Le tourisme ivoirien s’offre Miss France à des conditions obscures

Une délégation de 80 personnes composant le staff de Miss France va séjourner pendant une dizaine de jours en Côte d’Ivoire qui servira en même temps de cadre à leur préparation avant la cérémonie officielle de consécration à Paris. Notre pays qui s’en retrouve les rêves pleins d’étoiles, espère par ce biais convaincre des millions de touristes français à débarquer chez nous.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

 « Sublime Côte d’Ivoire », le concept que vend depuis des années le ministère du tourisme au monde entier pour attirer un maximum de touristes dans notre pays ne pouvait pas rêver mieux. A partir du 15 novembre, 80 personnes membres du staff de Miss France dont 50 techniciens et 30 candidates audit concours vont séjourner en Côte d’Ivoire. Le pays ambitionne, grâce à ce voyage de se hisser dans le top 5 des destinations africaines les plus visitées d’ici à la fin 2025.

C’est la première fois dans l’histoire de ce concours de beauté que le voyage de préparation se déroulera dans un pays africain. Un « honneur » pour le ministre du tourisme ivoirien, Siandou Fofana, qui est conscient de l’exposition médiatique dont bénéficie ce concours.

Il lui a fallu prospecter auprès du comité Miss France pour le convaincre de séjourner en Côte d’Ivoire. A quel prix ? Officiellement, ce séjour ne coûtera rien à la Côte d’Ivoire. Des sources proches du ministère assurent en effet que le coût des billets et l’hébergement de la délégation sera l’affaire du groupe Accor dont la division voyage est assurée par Corsair. La compagnie aérienne française se réjouit déjà de faire ce voyage qui « témoigne d’une marque de confiance envers notre produit et notre qualité de service. Nous sommes d’autant plus fiers de ce partenariat qu’il va contribuer à mettre en lumière la destination Côte d’Ivoire et ses nombreuses richesses. »

Les visiteurs doublés

De son côté, la Côte d’Ivoire cherche à doubler le nombre de ses visiteurs et consolider ses bons résultats dans le tourisme d’affaires – 42 % des motifs de voyage en 2021-, et augmenter significativement la part des visiteurs en quête de loisirs.

L’opération « Sublime Côte d’Ivoire » est dotée d’un budget de 4,8 milliards d’euros dont 2,3 milliards d’euros financés par l’Etat, le reste étant réparti sur des investisseurs privés. Lancée en 2019, « Sublime Côte d’Ivoire » ambitionne de faire passer de 2 à 4 millions le nombre de visiteurs annuels et hisser l’économie du secteur touristique à 10 % du PIB de la Côte d’Ivoire, contre 7 % en 2023. « Sublime Côte d’Ivoire » espère aussi, à terme, créer 375 000 emplois.

Ces objectifs assez élevés sont jugés atteignables par le ministre Siandou Fofana qui s’appuie sur une stratégie de promotion de grands événements. Il est surtout persuadé qu’après les succès de la Coupe d’Afrique des Nations de football dont la dernière édition vient de s’achever en Côte d’Ivoire, avec 2 millions de supporteurs, il n’est plus possible de douter de l’attrait que son pays exerce à l’extérieur.

D’autant que cet événement sportif a servi d’accélérateur au développement des infrastructures dans les cinq villes hôtes de la compétition, ce qui a permis de développer une capacité d’hébergement dans le nord du pays, notamment dans la ville de Korhogo où le nombre de lits a quadruplé, de 1 000 à 4 000 lits, selon les autorités.

Les vacanciers français séduits

Désormais la Côte d’Ivoire veut élargir son attractivité en séduisant les vacanciers européens, notamment français, premiers visiteurs extra-africains estimés à 65.000 en 2019. D’où l’attractivité du concours Miss France grâce auquel Abidjan espère obtenir de fortes retombées médiatiques de ce voyage des beauté françaises.

D’ores et déjà, le ministre ivoirien est satisfait des commentaires faits dans les médias français. « Quand je lis dans la presse française que les miss vont se rendre dans un territoire paradisiaque, la Côte d’Ivoire, je me dis que nous sommes en train de réussir à changer notre image. Notre pays est redevenu une destination plus que fréquentable », se félicite-t-il.

Le ministre Siandou a probablement raison. Il y a huit ans, l’attentat de la station balnéaire de Grand-Bassam, qui avait fait seize morts le 13 mars 2016, avait fini par détourner les regards de la destination Côte d’Ivoire. Malgré tout, d’autres types de peur se sont installés. Par exemple celle qu’inspirent les violences électorales. Et à un an de la prochaine élection présidentielle, le pays retient son souffle.

Mais le secteur touristique qui a fait d’importants progrès fait également face à de nombreux défis. Par exemple, l’offre hôtelière est concentrée à Abidjan qui monopolise à elle seule 60 % des chambres du pays. La Côte d’Ivoire manque également de circuits touristiques, tandis que le coût du transport aérien constitue un véritable frein. Pour y remédier, l’Etat doit nouer des partenariats avec les compagnies pour faire baisser les prix des billets, tandis que le prix et les procédures de visa doivent être simplifiés pour ne pas repousser les voyageurs qui planifient leurs vacances au dernier moment comme au Sénégal où les visiteurs Européens et Asiatiques sont exemptés de visa.

Mais le ministère a surtout besoin d’être transparent sur toutes ces procédures. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de ce voyage qui, selon le beau mensonge entretenu au ministère du tourisme, ne coûte rien aux contribuables ivoiriens. Ce qui est naturellement trop beau pour être vrai.

 

 

 

 

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