Pasteur sans église, Camille Makosso vit essentiellement grâce à ses abonnées -1,4 million sur TikTok et 280 000 sur sa chaîne Youtube, Makosso TV. C’est lui qui a été confirmé, le mercredi 5 mars, président de la commission des pasteurs évangéliques de Côte d’Ivoire, l’association qu’il a lui-même créée et d’où il risquait d’être éjecté. Selon les statistiques de 2018, près de 7 500 communautés religieuses ont été dénombrées dans le seul district d’Abidjan, dont 4 250 Églises évangéliques
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique
A 45 ans, Camille Makosso a déjà tout connu : la prison pour vol à main armée, escroquerie et autres, et les hautes sphères du pays grâce à ses relations avec des hommes du pouvoir, le plus connu étant le ministre de la jeunesse et de la promotion de l’emploi-jeunes, Mamadou Touré.
Pourtant, ce trublion n’a pas d’église. Son royaume à lui, c’est internet. Sur ses différents réseaux sociaux, TikTok, Makosso TV, il totalise en effet près de 2 millions d’abonnés, 12,5 millions de j’aime et 25 millions de vues. Camille Makosso est aussi à la tête d’une confrérie de 10 500 pasteurs évangéliques qui vivent grâce à son influence, ses liens avec le pouvoir et l’argent de ses diverses activités, parfaitement louches pour la plupart. Lui, se décrit plutôt comme un homme d’affaires.
Et puisqu’il exerce cet extraordinaire pouvoir d’attraction sur des millions de jeunes, toutes ses excentricités sont passées par pertes et profits dans un pays où la lutte contre la cybercriminalité s’est pourtant durcie ces dernières années, reléguant parfois la liberté d’expression au second plan.
Frasques répétées
En tout cas, ses congénères pasteurs ont aussi préféré faire fi de ses frasques répétées, son addition aux buzz de mauvais goût sur les réseaux sociaux et la vie de tabloïd qu’il mène sans se cacher. La commission a cependant dû le mettre en garde, mercredi, à l’issue d’un conseil de discipline qui a conclu qu’en cas de récidive, il devra laisser les rênes de la commission à un autre pasteur.
Pour les rassurer, le pasteur-influenceur a prêté serment de ne plus de ne plus être une source de scandale. « Devant les hommes, je m’engage à respecter la décision des serviteurs de Dieu en ce jour, en renonçant à aborder des sujets inutiles sur les réseaux sociaux. Je promets de consacrer toute mon énergie à la cause de l’Évangile et au service des pasteurs. Devant l’assemblée, je déclare que ma bouche sera dédiée à la défense du peuple et au soutien des affligés. Je prends l’engagement de ne plus être une source de scandale pour le corps du Christ. Je fais cette promesse devant Dieu, sur sa parole et devant l’assemblée, en demandant qu’il me fortifie et m’aide à honorer mes engagements, au nom de Jésus-Christ », a-t-il répété.
Mais pour le Dr. Hugo Douali, enseignant de psychologie à l’université de Daloa et fin connaisseur des pratiques religieuses, cette cérémonie ne vise qu’à servir de vitrine à ces pasteurs qui ne sont pas toujours considérés comme ils l’auraient voulu. D’autant qu’à quelques mois des élections présidentielles, leur nombre peut aussi influencer le pouvoir au point de vouloir les impliquer dans sa campagne.
« Le piétinement du christianisme »
Sur la plateforme facebook, des internautes n’ont pas hésité à commenter la séquence. L’un d’entre eux a même qualifié ladite cérémonie d’imposture et de mascarade. « C’est malsain d’user du nom de Christ à des fins purement politiques. Aller encore vendre ce corps comme bétail électoral pour soutirer de l’argent au parti au pouvoir comme l’avait déjà fait le pasteur Camille Makosso avec Hamed Bakayoko (l’ancien premier ministre qui succéda à Amadou Coulibaly avant de disparaître presque dans les mêmes circonstances) est simplement dégoûtant ».
Cette cérémonie heurte la fibre chrétienne de plusieurs lecteurs. « Comment nos éminents hommes de Dieu peuvent-ils assister dans un mutisme coupable un tel piétinement du Christianisme ? », se demande l’un, tandis que pour un autre, « c’est bien ce fléau qui fait perdre toute sa valeur à cette religion au profit de l’Islam ».
En tout cas, Camille Makosso est un amateur de buzz qui est généralement en avance de plusieurs coups. Il sait en effet que depuis plusieurs mois, des confessions religieuses rompent l’omerta et se plaignent de plus en plus publiquement de l’ordonnance de 2024 sur la société civile qui englobe aussi les organisations cultuelles. Au terme de cette loi, les Églises ou autres communautés religieuses sont désormais tenues de présenter un rapport d’activités chacune, de déclarer leurs impôts et d’avoir un compte en banque dans un établissement financier ivoirien de la place.