La grande ville sunnite de Tripoli au nord du Liban ne décolère pas après le naufrage d’une embarcation de fortune, avec à son bord une soixantaine de clandestins. Au point qu’on redoute une instrumentalisation de ce drame par les tenants d’un report des élections prévues pour le 15 mai
C’est une première au Liban ou presque de voir une embarcation de soixante personnes, essentiellement des Libanais, échouer à deux kilomètres des cotes avec un tel bilan: presque dix morts, trois fois plus de disparus. Dans un pays où 80% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté et où 13% des jeunes, d’après une enquète récente d’une ONG, ont fait une tentative de suicide, beaucoup de Libanais songent à émigrer en rejoignant une partie de leur famille à l’étranger. Mais ils sont beaucoup plus rares à embarquer dans des bateaux de fortune. Et quasiment jamais un bateau, piloté par des passeurs de la ville de Tripoli, n’avait sombré si près des cotes.
La surprise est d’autant plus grande que l’armée libanaise , fort bien équipée, parvenait jusqu’à présent à repérer les tentatives de départ des migrants illégaux et d’intercepter les passeurs. Or cette fois, les militaires ont mis trois heures avant de donner la chasse à l’embarcation de fortune
Depuis lundi dernier, jour du drame, dans certains quartiers de Tripoli, des routes sont coupées et des appels à des manifestations sont lancés dès le lendemain du naufrage. L’armée s’était déployée dans la ville pour éviter les débordements. La plupart des manifestants dont beaucoup sont armés semblent engagés dans une campagne contre l’institution militaire dont les garde côtes ont fracassé le bateau deux fois et provoqué ainsi le naufrage.
Ue possible instrumentalisation
La crainte d’une instrumentalisation est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Comment expliquer un tel amateurisme de la part d’une armée formée aux interventions en haute mer?
À un peu plus de deux semaines avant les élections législatives du 15 mai, un certain nombre de forces politiques souhaitent le report du scrutin. Les amis politiques du président Aoun, qui craignent une chute drastique de leur représentation au Parlement, préféreraient aborder la Présidentielle d’octobre au suffrage indirect avec les membres du parlement actuel. De là à imaginer qu’une armée dont le chef, Joseph Aoun, a été nommé par le Président Aoun ait choisi d’intervenir tardivement et brutalement pour provoquer un climat d’instabilité, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchissent.D’autant pus que ce drame succède à de multiples agressions entre candidats aux législatives et à une mise au point contestable des listes électorales de la diaspora