Le décès du colonel Fawzi, grand manipulateur de la presse algérienne

Nommé en 2001, dans la foulée de la rpise du pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, à la tète de la cellule medias de l’ex DRS (services secrets), le colonel Fawzi, qui vient de disparaitre, est resté douze années dans ses fonctions particulièrement sensibles

Il n’existe aucune photo du colonel Fawzi, une sacrée surprise pour un officier des services algériens qui a consacré toute sa vie à la presse et aux médias. Ce choix de ne pas apparaitre est à l’image d’un officier redoutablement efficace, de 2001 à 2013, pour controler tout  tout ce que les journaux algériens ont pu publier.

L’ancien responsable du centre de la communication et de diffusion (CDD) relevant du DRS (Département de renseignement et de sécurité) qu’était le colonel Fawzi  est décédé dans la nuit du 18 Août et enterré le lendemain. Son bureau, basé à Ben Aknoun au centre opérationnel Bellarousi sur les hauteurs d’Alger, fut le lieu de visite de l’ensemble des patrons de presse venus négocier les parts de la publicité publique. Il tenait d’une  main de fer dans un gant de velours la gestion de l’ANEP  un organe de dissuasion pour tout journal opérant dans l’espace média du pays.

Son prédécesseur, le général Tahri Zoubir, alias Hadj Zoubir, qui rêgnait pendant la décennie noire (1992-1998), procédait par la mise à mort des journaux réfractaires à la ligne du gouvernement de l’époque en lutte contre les islamistes. Des journaux, à l’image de la « Nation » dirigée par Salima Ghozali proche des « dialoguistes », hostiles à la diabolisation de tous les islamistes,ont fait les frais de mise au pas forcée. D’autres journaux comme « El Watan » ou « Liberté » ont en bénéficié à satiété.

La juteuse manne publicitaire

La méthode du colonel Fawzi est moins brutale que celle de son prédécesseur. Pour une bonne maîtrise de la presse, il distribue les gâteries financières Profitant de la manne du pétrole, il inonde les journaux. Si son grade n’est pas le plus élevé de la hiérarchie militaire, son influence est incroyable. Le Colonel Fawzi fait et défait le monde de la presse. L’attribution des agréments ? C’est lui. Les accréditations pour la presse étrangère ? C’est encore lui. Qui donne son quitus pour la distribution de la manne publicitaire de l’ANEP (Agence nationale d’édition et de publicitaire)? Le Colonel Fawzi. 

Et encore qui donnait les tuyaux et les fake news pour servir le régime ? C’est encore lui. En décuplant le nombre de journaux aux tirages variés mais largement arrosés, le colonel redouté formatait les lignes éditoriales et s’était créé une clientèle. 

Ce gradé fut limogé en juillet 2013 pour avoir mal controlé les médias durant l’hospitalisation du président Bouteflika à Paris pour un grave AVC. C’est un autre colonel, un certain Bouzidi, alias « Okba », qui lui a  succédé, mais qui ne possède pas les prérogatives de son prédécessuer

Vingt milliards d’euros en vingt ans

Le colonel Fawzi a fait fortune sans que personne ne s’en soit inquiété, civils ou militaires. Mais aujourd’hui encore, la publicité des entreprises publiques est orientée vers l’ANEP avant que la manne soit répartie. «Plus de 20 milliards d’euros de publicité institutionnelle distribués en 20 ans aux médias du régime», selon Abdelaziz Rahabi, ministre de la Communication kion avec la loi.

Hadj Zoubir comme Fawzi étaient issus de la DCSA, le pissant service de renseignement militaire qui aujourd’hui a récupéré l’essentiei des prérogatives de l’ex DRS. et qui veille désormais, sans intermédiaires, sur les lignes jaunes à ne pas franchir sous peine de prison 

 

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

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