Covid, le Maghreb attend désespérément le vaccin

La Tunisie fait confiance à l’Occident, l’Algérie s’en remet au vieil ami russe, le Maroc crée la surprise en s’alliant avec la Chine. Mais les doses promises ne sont pas au rendez vous.

Le fossé vertigineux entre les pays riches (producteurs de vaccins) et les pays dépendants ( qui seront les derniers servis) nous rappelle que la vie d’aujourd’hui ressemble furieusement à la vie d’avant. On remarque néanmoins à la torche de cette épidémie quelques mutations dans la géopolitique. Les super-puissances d’hier le sont beaucoup moins avec l’arrivée tonitruante de la Chine à la table des grands. Ainsi, la diplomatie du Covid 19 entamée avec les masques made in China, continue avec les vaccins.

Trois pays, trois vaccins

Offrant le spectacle de leur désunion, les trois pays du Maghreb ont décidé chacun d’opter pour un vaccin différent. En Tunisie, le directeur général de l’Institut Pasteur à Tunis, M. Hechmi Louzir, a annoncé le signature d’un contrat entre son pays et les laboratoires Pfizer et Bionech pour l’acquisition de leur vaccin contre la Covid-19. L’accord permet l’obtention du vaccin au tarif de 7 USD la dose.

Au Maroc, contre toute attente ce sera le vaccin chinois, « efficace à 86 % ». A noter que le royaume chérifien, plus prévoyant que ses voisins, a signé dès le 20 août 2020, un partenariat avec le laboratoire chinois Sinopharm pour participer à ses essais cliniques en contrepartie d’un accès prioritaire pour recevoir son vaccin. En outre, l’accord prévoit« un transfert de technologie et d’expertise », a révélé au Monde le ministre marocain de la santé, Khalid Aït Taleb. Une unité de production devrait être implantée dans la Cité Mohammed-VI Tanger Tech, un ambitieux projet de ville nouvelle lancé en 2017, destiné à accueillir quelque 200 entreprises chinoises.

Vexée de voir la Chine soigner sa relation avec son voisin , l’Algérie a finalement tranché pour le vaccin russe Spoutnik V. L’annonce a été faite mercredi 30 décembre par le gouvernement, au lendemain du retour en Algérie du président Abdelmadjid Tebboune, après près de deux mois passés en Allemagne pour des soins, officiellement contre le Convid19. 
Quelles lectures tirer de cette dilomatie du vaccin menée en ordre dispersé? Que révèlent-elle des forces en présence et des stratégies déployées, et quelles conséquences pour le futur de cette région à moins d’une heure de l’Europe ?

Si le virus circule librement et ne connait pas de frontières, il aura à faire à trois vaccins différents au Maghreb. Et à trois systèmes politiques tout aussi différents. La Tunisie est une démocratie, certes, mais qui peine à achever sa transition. L’Algérie est un grand pays certes, mais géré par une dictature militaire. Le Maroc est une monarchie éclairée certes, mais qui repose encore sur une police omniprésnete. 

Des gouvernements discrédités !

Lequel des trois vaccins sauvera le plus de monde au Maghreb ? Sans se concerter, et en dehors de leurs bonnes ou mauvaises volontés, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc vont  jouer le rôle de laboratoire. Occident- Russie-Chine : c’est un passionnant match à trois qui va intéresser tout le monde et qui va se jouer en Afrique du Nord.  
S’ils sont gouvernés différemment par trois systèmes politiques, les citoyens maghrébins partagent une même crainte : l’orchestration de la campagne de vaccination. Et là, les citoyens des trois pays frères se retrouvent, unis par le même sentiment de défiance vis à vis de leurs gouvernants. 

En attendant Godot!

Les Tunisiens, les Algériens, les Marocains se posent une autre question autrement plus importante et plus urgente à leurs yeux : Quand arriveront les vaccins ? En Tunisie, les autorités ont annoncé l’arrivée des premières doses fin mars-début avril 2021, ce qui a légitimement provoqué des réprobations de toutes parts ( société civile, représentants politique), si bien que le chef du gouvernement, Hichem Méchichi a du rétro-pédaler dans une interview accordée le 5 janvier 2021 au journal « Achara3 Al-Maghribi ».

L’arrivée du vaccin, apprend-on, pourrait être avancée « de quelques semaines ». Dans ce même entretien le chef du gouvernement a avoué qu’il ne savait rien des conditions de l’expédition du vaccin qui nécessite son maintien dans une température spécifique,  « les détails de logistiques n’ont pas été clarifiées » avec le laboratoire Pfizer finit-il par reconnaître. 
 

Algérie, les Russes tardent

En Algérie, le choix tunisien est moqué à chaque occasion. Les responsables algériens de la santé ont tous unanimement vanté le vaccin russe « C’est un bon choix puisque c’est un vaccin qui se conserve de la même façon que les autres vaccins que l’Algérie a l’habitude d’utiliser », affirme le Pr Zidouni dans un entretien accordé au site d’informations TSA, ce lundi 4 janvier.
Sauf que si le vaccin russe est dores et déjà déclaré meilleur du monde par les Algériens, lui aussi tarde à arriver.

Le président Tebboune a ordonné que la campagne débute en janvier, mais aucun des responsables politiques chargés de la Santé n’était en mesure d’avancer un date sur l’arrivée des 500.000 premières doses promises par Moscou. Les dissensions au sein du comité scientifique algérien se font au grand jour et s’étalent sur la presse, elles concernent aussi bien le nombre de doses commandées jugé très bas pour ne pas dire dérisoire, que la lenteur administrative pour imaginer un campagne de vaccination. 

Maroc, des vaccins à la traine

Dans le royaume  chérifien, le flou domine également. Alors que le fameux vaccin chinois tarde à arriver, Le Maroc a validé ce mercredi 6 janvier une «autorisation temporaire d’urgence» pour le vaccin contre le Covid-19 élaboré par le laboratoire britannique AstraZeneca et l’université d’Oxford. « Deux mois après l’annonce en grande pompe du lancement d’une campagne massive de vaccination, qui aurait dû débuter avant la fin de l’année 2020, le Maroc est à la traîne » note le journal Tel Quel daté du 8 janvier. 
Le vaccin d’AstraZeneca destiné aux marocains sera fabriqué et importé depuis l’Inde sous forme de produit fini. En attendant le vaccin chinois de Sinopharm (50 millions de doses) et le vaccin d’AstraZeneca (25 millions de doses), le Maroc enregistre le plus grand nombre de contaminations au Maghreb. Alors que le vaccin soit européen, américain, chinois ou russe, peu importe, la seule question qui vaille est la date de leur arrivée… Une question sans réponse pour le moment.

En Tunisie, en Algérie, comme au Maroc, les citoyens se demandent s’ils seront vaccinés avant le mois du ramadan à la fin du mois d’avril. Personne n’est en mesure de leur répondre.