D’un point de vue du timing, le président Alassane Ouattara s’est livré, ce 18 juin, à son discours le plus décalé qui soit, à 14 mois de l’élection présidentielle et des problèmes électoraux qui empoisonnent déjà la vie nationale.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Tout le pays avait pourtant les yeux rivés sur le discours du président. Fin mai, et sans qu’il n’ait été obligé de le faire, Alassane Ouattara avait en effet décidé de prendre la parole, ce mardi 18 juin, devant les députés et sénateurs ivoiriens réunis en congrès. En raison de la solennité de l’annonce, de nombreux ivoiriens s’étaient laissé convaincre que les problèmes politiques de l’heure, qui empoisonnent déjà l’ambiance sociale à 14 mois de l’élection présidentielle, allaient être abordés par le président de la République. Mais de tout ça, il n’en a finalement rien été. Puisque le président Ouattara s’est livré à une déclaration fleuve pro domo au cours duquel il s’est vanté, souvent à tort, de la bonne tenue de l’économie nationale et des progrès sociaux réalisés, selon lui, durant ses différents mandats.
Le niveau de la dette ivoirienne est pourtant très élevé à 30.000 milliards de FCFA, soit 60% du produit intérieur brut et la situation sociale reste marquée par l’inflation des prix des denrées alimentaires et de l’électricité. Mais pour le président Ouattara, le prix de l’électricité est « moins onéreux en Côte d’Ivoire que dans la sous-région » a-t-il rapidement balayé. En revanche, il a félicité nombre de ses collaborateurs dont son ministre de la construction et de l’urbanisme en dépit de l’échec patent de la politique de logement du gouvernement et des nombreux cas d’effondrement d’immeubles à Abidjan. Sur ce point en particulier, le discours du chef de l’Etat est paru d’autant plus lunaire que les inondations de ces derniers jours ont causé la mort de 8 personnes et fait de nombreux dégâts matériels dans la ville d’Abidjan.
« Exercices d’autosatisfaction »
Ouattara a aussi annoncé la construction de logements sociaux mais peu d’Ivoiriens risquent de ne plus le croire, vu que ses précédentes promesses n’ont pas été tenues. Les états-majors politiques sont également sortis déçus de ce rendez-vous. A commencer par les partisans de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, tous deux blanchis par la Cour pénale internationale mais condamnés par contumace pour les mêmes faits à Abidjan. Leurs partisans espéraient que les deux personnalités politiques soient amnistiées par Alassane Ouattara. Or non seulement le président en exercice les a royalement ignorés, mais il a également joué de déni sur l’ensemble des débats électoraux qui agitent déjà la vie politique nationale et font craindre le pire.
Il s’agit entre autres du découpage électoral, trop favorable au parti présidentiel, selon l’opposition, de l’indépendance de la Commission électorale indépendante (CEI) et de la mise en route du processus électoral à l’insu des autres acteurs de la vie publique nationale. A l’issue de cette déclaration présidentielle, le président du Front populaire ivoirien (FPI) Pascal Affi N’guessan a dénoncé « un catalogue d’exercices d’autosatisfaction » et « une vision personnelle et enjolivée de la Côte d’Ivoire » qui nie cherté de la vie au moment où celle-ci « impacte lourdement tant et tant de nos compatriotes ivoiriens ». Quant aux députés Chrysostome Blessy (PDCI) et Michel Gbagbo (PPA-CI), ils ont dénoncé tour à tour « un discours vide, plat et ennuyeux et une litanie de satisfécits » et une copie à plusieurs zéros sur la question de la cherté de la vie, de l’accès à la santé et sur la situation politique de Laurent Gbagbo contre qui est d’ailleurs dirigé l’article 185 nouveau du code pénal, de l’aveu même de l’avocat de l’Etat, Abdoulaye Méïté.