L’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, qui est candidat à un second mandat à la tête de la Côte d’Ivoire, appelle l’opposition à des discussions sans arrière-pensées et sans roublardise.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
« J’ouvre les bras. Tous ceux qui veulent un rassemblement politique clair et sain pour battre ce gouvernement en 2025 sont les bienvenus. J’ouvre les bras, je les attends mais attention, il ne faut pas essayer de faire la roublardise avec nous », a affirmé l’ex-président Laurent Gbagbo qui animait, le dimanche 14 juillet, un meeting à Bonoua, dans la ville natale de Simone Gbagbo qui fut aussi le premier terrain de son combat politique.
Laurent Gbagbo s’est d’ailleurs souvenu de cet espace dédié au résistant local, Kadjo Amangoua, arrêté puis déporté au Gabon par l’administration coloniale avant d’y mourir en 1909. Pour honorer le souvenir de ces moments épiques, le meeting de l’ancien président s’est tenu à la place Kadjo Amangoua qui avait essuyé, en 1990, les premiers assauts de gaz lacrymogène suite aux menaces tonitruantes du sous-préfet d’alors qui avait lancé un « M. Gbagbo, dispersez-vous ! » qui fait encore sourire l’ex-président.
En revanche, Laurent Gbagbo ne s’est guère souvenu de son ex-épouse Simone Gbagbo, y compris quand il s’est agi de refaire l’histoire de « ces moments de combat ». Le couple Gbagbo est en instance de divorce depuis le retour de l’ancien président de la Cour pénale internationale. Gbagbo était au surplus accompagné de sa nouvelle égérie, Nady Bamba, accusée de tout régenter autour de lui. Et rien que pour ça, il était écrit d’avance que l’ex-première dame n’aurait droit à quelqu’hommage que ce soit.
Appel à tous ceux qui veulent le changement
En revanche sur un autre sujet, Laurent Gbagbo a bel et bien changé de fusil d’épaule. Car lui qui se focalisait, il y a quelques mois encore sur sa formation politique, le Parti des peuples africains (PPA-CI), assurant que son rôle n’est pas d’unir la gauche mais d’emmener celui-ci au pouvoir, appelle dorénavant tous ceux qui aspirent à un changement à la tête du pays à des discussions. A condition que personne ne songe à le trahir. « J’ouvre les bras, je les attends. Mais il ne faut pas dire : je vais m’approcher de Gbagbo et puis je vais le rouler. On ne me roule pas (dans la farine, ndlr) », a-t-il ajouté, provoquant le rire de la foule.
Dans la vie politique ivoirienne, l’ancien président a pourtant acquis la notoriété de celui qui roule ses adversaires dans la farine. En conséquence, qu’il mette lui-même en garde ceux qui seraient tentés de le faire à ses dépens donne probablement un aperçu des débats de lignes qui ont lieu à l’intérieur du parti. Car l’ancien président n’est toujours pas officiellement éligible. Son parti a déjà envoyé deux courriers au régime d’Alassane Ouattara pour l’inviter à discuter de ce sujet mais celui-ci les a jusqu’ici ignorés. Cette situation met le PPA-CI face au mur de la mobilisation populaire mais, pour l’heure, Laurent Gbagbo s’est gardé d’appeler à l’arbitrage de la rue.
Probablement parce que beaucoup d’eau a coulé sous les nouveaux ponts d’Abidjan. L’ancienne Majorité présidentielle (LMP), qui avait accompagné la candidature de Laurent Gbagbo en 2010, a en effet explosé dès la perte du pouvoir. Et au moment de créer le Parti des peuples africains, ses différents leaders ont répondu à l’invitation d’adhésion par une fin de non-recevoir. Au demeurant, le Front populaire ivoirien qui avait déjà vu le départ de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, est désormais réduit à peau de chagrin après la création du PPA-CI et après les départs de Simone Gbagbo qui a créé le Mouvement des générations capables (MGC). Quant à Charles Blé Goudé, soutien inconditionnel de Gbagbo durant sa présidence, il est désormais à la tête de son propre parti politique, le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep).
Comment rassembler ces différentes figures de la gauche ivoirienne à 17 mois de l’élection pour espérer gagner la présidentielle à venir ? Assurément, pas avec le type de discours de « bras ouverts » fait dimanche à Bonoua par Laurent Gbagbo. Qui n’est toujours pas à l’écoute de son corps. Car pour ne plus lui imposer des foulées plus longues, sa voiture de commandement fend désormais la foule pour le mettre aux pieds du podium. L’ex-président, vissé sur son fauteuil derrière une table, ne s’est d’ailleurs pas levé une seule fois pour saluer les intervenants ou pour réceptionner les cadeaux de la population. Autre nouveauté : ses proches ont été obligés d’improviser un téléprompteur que l’ancien président, qui a gardé ses réflexes d’orateur, rechigne malheureusement à utiliser.