Les Forces armées soudanaises, qui boycottent les négociations à Genève, annoncent au Caire l’ouverture d’un point de passage humanitaire entre le Tchad et le Soudan. Seul souci, ce sont leurs adversaires, les mercenaires des Forces de soutien rapide, qui tiennent le Darfour, et donc la frontière entre le Tchad et le Soudan.
Ian Hamel, à Genève
Quand les négociations piétinent, on s’accroche à la moindre petite éclaircie. Le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée soudanaise et président du Conseil de souveraineté, a informé de la réouverture du point de passage frontalier d’Adré, au Tchad, aux convois humanitaires, pour une durée de trois mois. Adré étant la première “grande“ ville (40 000 habitants) frontalière à l’Est du Tchad avec le Soudan. C’est une promesse qui ne l’engage à rien dans la mesure où son armée a été chassée du Darfour par les forces de soutien rapide (FSR). De leurs côtés, les mercenaires, en quête de légitimité internationale, devraient, grands seigneurs, accepter l’réouverture de ce point de passage. D’autant que celui-ci n’a jamais été véritablement fermé pour leur approvisionnement en armes…
26 millions de soudanais affamés
Devant l’échec des négociations à Genève, et le refus de tout cessez-le-feu de la part des frères ennemis, et ce malgré « l’une des pires situations humanitaires dans le monde », les États-Unis, la Suisse et l’Arabie saoudite n’espèrent plus que le passage de quelques centaines de camions remplis de vivres et de médicaments. Certes, c’est loin d’être négligeable, sachant que 26 millions de Soudanais sont au bord de la famine. Le Soudan reste une guerre oubliée, très loin derrière l’Ukraine et Gaza. Le quotidien Le Temps, l’un des rares médias en Suisse à suivre les négociations, constate que si les excès d’attention ne résolvent pas pour autant les conflits ailleurs, mais « le désintérêt marqué face à un territoire qui connaît la crise humanitaire la plus sévère au monde laisse les humanitaires sans mots ».
Les rebelles tiennent la capitale
Pour rappel, c’est une unité paramilitaire, les Forces de soutien rapide (RSF), , dirigées par le général Mohamed “Hemeti“ Hamdan Dagalo, qui s’est révoltée en avril 2023 contre l’armée soudanaise du général Abdel Fattah al-Burhan. Depuis, les rebelles tiennent pratiquement la capitale, Khartoum (contraignant le pouvoir à se replier sur Port-Soudan sur la mer Rouge), ainsi que de vastes parties du pays, notamment le Darfour (490 000 km2), voisin du Tchad. Les paramilitaires sont en fait les héritiers des janjawid, de triste réputation, ces milices qui semaient la désolation dans ls années 2000.
Si le Conseil souverain du Soudan, le pouvoir officiel, est soutenu par l’Arabie saoudite et l’Égypte. Les mercenaires peuvent compter sur l’appui des Émirats arabes unis. Les forces armées, qui se considèrent comme la seule autorité légitime du pays, ont refusé de s’asseoir à la même table des négociations à Genève aux côtés des Forces de soutien rapide. Si elle boude les bords du lac Léman, et l’invitation des États-Unis, de la Suisse et de l’Arabie saoudite, en revanche l’armée soudanaise a accepté l’invitation du Caire, à la demande de l’Égypte. Avalant l’affront, Tom Perriello, l’envoyé spécial des États-Unis pour le Soudan, préfère répéter : « Nous travaillons au téléphone ». En fait, chacun sait que les combats ne cesseront que lorsque Riyad et Abou Dhabi auront réglé leurs différends.