L’ambassadeur de France au Niger mauvais patron et mauvais perdant

Une bataille juridique pour licenciement abusif oppose depuis des mois Alexandre Garcia, l’ambassadeur de France au Niger, à son ancien intendant, faisant la joie des gazettes locales dans un pays devenu la base arrière principale de l’armée française au Sahel. 

Jean Boco Eloge, nigérien, a servi quatre ambassadeurs de France, dix ans durant, « avec compétence et probité », selon les mots de son avocat. Jusqu’à ce que la relation s’envenime avec le dernier en date, pour d’obscurs motifs. Licencié de son poste, Eloge ne s’est pas laissé faire. Sous contrat local de droit nigérien – un statut qui permet à Paris de payer son personnel nigérien à moindre coût et moindres garanties sociales – Eloge a obtenu successivement l’annulation de l’autorisation de son licenciement puis la condamnation, le 15 mars dernier, de son ancien employeur par le juge des référés à lui payer l’équivalent de 36 mois de salaire de provisions, assorties d’une astreinte de 100 000 francs CFA (150 euros) par jour de retard. Et le juge d’ordonner l’exécution provisoire de ce jugement. 

Le 14 juin suivant, ne voyant toujours rien venir, Eloge envoie un huissier saisir le compte de l’ambassade de France dans une banque de Niamey. Mais « sur instruction du procureur de la République, main levée est donnée de la saisie attribution de créances », selon le procès-verbal dressé par l’huissier. En effet, un mois plus tôt, l’ambassadeur de France avait officiellement écrit au ministre des Affaires étrangères du Niger pour invoquer l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens sur le fondement d’une convention des Nations unies de 2004 qui s’opposerait à toute saisie, même conservatoire, des comptes bancaires de l’ambassade.    

Or cette convention, ratifiée par la France mais non entrée en vigueur, ne peut être appliquée lorsque la procédure est intentée par l’Etat, comme c’est le cas ici, puisque la procédure de licenciement a bel et bien été introduite par Alexandre Garcia sur le fondement du droit nigérien régissant le contrat de l’intendant. L’article 11 de la convention le précise d’ailleurs : « A moins que les Etats concernés n’en conviennent autrement, un Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre Etat compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre l’Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli en totalité ou en partie sur le territoire de cet autre Etat. » 

Mépris de la procédure et de la chose jugée, ordre illégal du procureur de Niamey qui s’immisce dans une procédure civile à la demande du gouvernement, irrespect total du droit nigérien et de ses employés locaux : Alexandre Garcia s’est attiré les foudres d’activistes de la société civile… et refuse toujours de payer. La cour d’appel de Niamey, qui devait rendre sa décision au fond le 20 juillet dernier, a reporté son arrêt au 10 août prochain, après le départ définitif du Niger de l’ambassadeur de France, prévu le 28 juillet prochain. Dernier égard de la justice nigérienne pour un bien mauvais justiciable !