Dans les carrefours bondés de la ville de Niamey, au milieu des feux tricolores qui s’affolent, des vigiles qui régulent la circulation désordonnée sur le chemin du retour, tout se vend.
Mauro Armanino, Niamey, août 2024
Des dattes, de l’eau potable dans des sachets en plastique, des babouches faites à la main, des laisses pour chiens inexistantes, des jouets chinois en plastique, des cages pour canaris, et même des exemplaires du Coran grand format. Les seuls drapeaux autorisés sont ceux des États du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ce à quoi s’est ajouté depuis peu le blanc, bleu et rouge à bandes horizontales de la Fédération de Russie. Pour les autres, une autocensure commerciale a été appliquée, sans aucune loi écrite.
Une mendicité croissante
L’ordonnance du gouverneur de la région de Niamey a récemment annoncé une série de mesures pour lutter contre la mendicité croissante dans la capitale du pays. Les réseaux seront démantelés et les mendiants ramenés dans leurs villages d’origine. En cas de récidive, ils seront conduits dans les grands périmètres irrigués du pays et obligés à travailler, mais pas de manière « forcée ». En effet, le gouverneur général explique la mendicité, nationale et internationale, des enfants et des femmes avant tout par la ‘paresse et la recherche de solutions faciles’. La censure des pauvres ne date malheureusement pas d’aujourd’hui. Elle semble être une des constantes de l’histoire de l’humanité. Censurer les pauvres, les rendre invisibles au lieu de lutter contre les causes qui produisent la misère est une stratégie sans avenir. Pendant ce temps, les talibans sont cultivés dans les rues.
La censure est le contrôle de la communication par une autorité qui restreint la liberté d’expression et l’accès à l’information dans l’intention déclarée de protéger l’ordre social et politique ». Telle est la définition officielle du mot en question, à laquelle on peut ajouter qu’il s’agit d’une « objection sévère à la conduite d’autrui : encourir le blâme des malveillants, la critique, la désapprobation, le blâme et la condamnation ».
Une société civile à la dérive
Ce sont ces facteurs qui influencent les relations avec la « majorité » plus ou moins silencieuse qui applaudit souvent le pouvoir. Comme le montrent les études de psychologie sociale, les gens suivent les dictats de la pensée dominante. Karl Marx rappelait que « les idées de la classe dominante sont à chaque époque les idées dominantes, c’est-à-dire que la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps sa puissance spirituelle dominante ».
On comprend pourquoi une grande partie de la « société civile » du pays, les médias, l’exercice de la justice, les syndicats d’enseignants ainsi que d’autres syndicats de travailleurs ont, avec une partie influente des autorités religieuses, intégré le récit dominant. Alors qu’un an plus tôt, ils juraient fidélité inconditionnelle aux autorités en place à l’époque. Ce que le journaliste malien Mohamed Attaher Halidou notait dans un récent billet est édifiant… Si les libertés sont confisquées, c’est parce que l’opinion publique applaudit sans les comprendre les dérives totalitaires et les injustices de toutes sortes ». Confisquer est la voix du verbe censurer.
Si les libertés sont confisquées, c’est parce que les artistes ne sont plus inspirés et préfèrent plaire par des discours démagogiques éloignés de leur art, de la beauté, au service du public. Si les libertés sont confisquées, c’est parce que les intellectuels se sont mis à l’écart et ont accepté le règne de la pensée unique, se rendant complices de la mort de la pensée et de la réflexion dans le pays. Si les libertés sont confisquées, c’est parce que la classe politique a perverti la politique. Pas d’idéaux, pas de convictions, pas de lignes … Si les libertés sont confisquées, c’est parce que les chefs religieux sont devenus les avocats aveugles du pouvoir au détriment de la parole de Dieu et des intérêts de la veuve et de l’orphelin.En fait, ils sont tous d’accord. Alliés du pouvoir contre les plus faibles ».