La justice malienne met en cause le groupe Orange

Le groupe Orange Mali traverse une phase délicate. La société malienne de sécurité SECUREK réclame une dette qui aurait été impayée, la justice malienne mène des investigations, le directoire de cette filiale d’un grand groupe français se réfugie dans le silence

Adama Dramé, rédacteur du journal « le Sphinx » qui nous autorise à reprendre le papier

Une claque magistrale! Une procédure judiciaire vient d’être infligée à une multinationale jusqu’à présent honorablement connue. Le contentieux entre la société de sécurité privée SECUREK et Orange Mali vient de se transformer en un rapport de force qui tourne mal pour l’opérateur. Tous ses biens mobiliers, immobiliers et comptes bancaires viennent d’être saisis sur décision de justice. Un séisme juridique rarissime pour une entreprise longtemps protégée par son statut de filiale d’un grand groupe international. 

À l’origine, un contrat de prestations de sécurité dûment exécuté par SECUREK. En face, le directoire d’Orange Mali, incarné par Aboubacar Sadik, a fait le choix du bras de fer. Plutôt que de chercher un terrain d’entente, Orange Mali s’est murée le silence

Une riposte stratégique et implacable

SECUREK a mobilisé une équipe d’avocats de calibre international :

  • Me Mamadou Ismaël Konaté, ancien ministre malien de la Justice, avocat aux barreaux de Paris et Bamako,
  • Me Dior Diagne, redoutable praticienne du barreau de Dakar,
  • Me William Bourdon, avocat engagé et figure de la lutte contre les multinationales via son ONG Sherpa et les procédures qu’il a menées dans des dssiers de « Biens mal acquis ».

Résultat, l’ensemble des avoirs de la société française ont été gelés par décision de justice. Une première au Mali. Et un précédent lourd de conséquences.

Orange Mali : un navire sans capitaine

Depuis la décision, c’est le silence radio du côté d’Orange Mali. Aucun communiqué, aucun mea culpa. Mais en coulisses, c’est la panique. Une cellule de crise a été déclenchée dans l’urgence pour tenter de contenir les dégâts :

  • des comptes bancaires bloqués,
  • des salaires potentiellement impayés,
  • des projets d’investissement suspendus,
  • la réputation d’une marque internationale gravement écornée.

Le directoire, décrié en interne pour son traitement des partenaires locaux, est désormais sous pression. Débarqué à Bamako pour nettoyer les écuries d’Augias, Aboubacar Sadikhe Diop s’est comporté en patron de choc. 

La décision rendue n’est pas seulement juridique. Elle est politique, économique, morale. Elle signifie que les juridictions maliennes n’entendent plus jouer les figurants face à des multinationales tout-puissantes. Un avocat proche du dossier résume : « Ce que fait Orange Mali à ses partenaires locaux est inacceptable. La justice dit : ça suffit. »

Vers un nouveau rapport de force ?

L’affaire SECUREK/Orange Mali pourrait ouvrir une brèche. Elle met en lumière le déséquilibre structurel des relations économiques entre grandes filiales internationales et PME africaines. Elle pose une question centrale : jusqu’à quand tolérera-t-on que des multinationales viennent faire des profits sur le continent sans prendre en considération les intérèts du Mali ?

Depuis le 20 mai 2025 SECUREK a saisi tous les comptes d’Orange logés dans les banques qui se trouvent au Mali. s’apprête à déposer plainte contre le groupe Orange Mali en France pour conflit d’intérêts, blanchiment et dissimulation de fonds. Une plainte qui risque de provoquer un véritable séisme.

 

 

 

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)