La Côte d’Ivoire, médaillée d’or de l’égalité des genres

Devant un parterre d’associations réunies au Sofitel d’Abidjan, le premier ministre ivoirien, Robert Beugré Mambé, s’est vanté, vendredi 13 septembre, de diriger un pays de l’égalité des genres, en réponse à la note de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui félicite la politique de lutte contre les discriminations du gouvernement.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Euphrasie Kouassi Yao, conseillère du premier ministre chargée du genre en Côte d’Ivoire

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, la Côte d’Ivoire est le meilleur élève sur le continent pour ce qui est de la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes.

Du coup, vendredi 13 septembre, devant un parterre d’associations, le Premier ministre Beugré Mambé s’est réservé un autosatisfecit officiel. Et pour cause : selon l’OCDE, la Côte d’Ivoire est le meilleur élève du continent africain en matière de lutte contre les discriminations à l’égard des femmes puisque que son score est de 17,3 sur une moyenne mondiale de 29, zéro étant le meilleur score et 100 le plus mauvais.

« Nous faisons notre entrée dans le gotha des 55 pays les mieux classés sur l’échiquier mondial », s’est réjoui le chef du gouvernement ivoirien. La Côte d’Ivoire est en effet passé devant le Rwanda 19 points, l’Afrique du Sud, 23 points ou encore le Canada 17,5 points.

Le rapport sur l’égalité des genres se base sur quatre critères : les discriminations au sein du foyer, l’accès aux ressources financières, les atteintes à l’intégrité physique et la restriction des libertés civiles, avec la prise des lois qui vont avec.

Le ministère ivoirien de la femme s’est félicité de ce rapport en expliquant que cette nette progression du pays est le fruit d’un renforcement des capacités économiques des femmes à travers des fonds d’appui, des lois récentes favorisant leurs droits et des progrès effectués dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales et les mutilations génitales. « Notre singularité est de coupler les questions de genre aux enjeux de développement économique et durable », a indiqué Euphrasie Kouassi Yao, conseillère du premier ministre chargée du genre et présidente du groupe technique consultatif. A ce titre, elle a directement collaboré avec l’OCDE pour l’évaluation du pays.

 

Un rapport biaisé

Mais au sein des milieux féministes ivoiriens, l’hommage est nuancé. D’autant que deux jours avant l’annonce, la police a retrouvé le cadavre démembré d’une influenceuse de 19 ans, Emmanuella Y., retrouvé dans une résidence de la commune de Cocody, à Abidjan. Les enquêtes de la police s’orientent vers la culpabilité de son compagnon. « C’est le quatrième féminicide que nous répertorions depuis le début du mois », a dénoncé Bénédicte Otokoré, la secrétaire générale adjointe de la Ligue ivoirienne des droits des femmes.

Selon elle, le rapport de l’OCDE se base sur l’existence de lois et non sur leur application effective. « De bonnes lois ont été prises pour protéger les femmes, mais la méconnaissance de ces textes renforce le sentiment d’impunité. On observe une banalisation des discours sexistes et les féminicides continuent », dit-elle. D’ailleurs, les féminicides ne figurent pas parmi les six types de VBG répertoriés par le ministère ivoirien de la femme. En conséquence, il n’existe pas de statistiques officielles pour les quantifier. Bref, ce rapport conduit à «un état des lieux pas très réaliste » de la discrimination à l’égard des femmes.

D’ailleurs, devant l’augmentation des cas de féminicides, la Ligue ivoirienne des droits des femmes a adressé le 18 septembre une déclaration aux pouvoirs publics afin d’exiger une réforme judiciaire pour donner une base légale à la lutte contre ce phénomène. Déçue, la fondatrice de l’Ong « Opinion éclairée », Nesmon de Laure conclut que « les lois font grimper la note de la Côte d’Ivoire », s’interrogeant sur la réalité de l’action du gouvernement pour lutter contre les discriminations à l’égard des femmes.