Comme c’était prévisible, les deux principaux favoris à la présidentielle, Hama Amadou et Bazoum Mohamed, sont rattrapés par les hypothèques juridiques qui pèsent sur leurs candidatures respectives, à moins de sept semaines du scrutin.
Bien sûr, les arrière-pensées politiques pèsent lourd de part et d’autre dans ces batailles procédurales de dernière minute pour bloquer la candidature de l’adversaire, comme si l’évitement du combat démocratique était l’objectif final.
L’opposant Hama Amadou, condamné à un an d’emprisonnement pour supposition d’enfant et, à ce titre, exposé à une invalidation de sa candidature comme stipulé par le code électoral, a essuyé une rebuffade du président de la Cour d’appel saisi, le 5 novembre, d’une requête de son avocat pour rectification de son casier judiciaire.
Parallèlement, plusieurs hommes politiques de la région de Diffa, à l’Est du pays, ont assigné mercredi le procureur du tribunal de grande instance de Diffa en contentieux de nationalité, soulevant l’épineuse question de la nationalité nigérienne d’origine de Bazoum Mohamed, le candidat de la majorité rose au pouvoir.
La nationalité nigérienne d’origine…
En effet, la Constitution exige désormais la nationalité nigérienne « d’origine », en d’autres termes la nationalité nigérienne du père ou de la mère, pour se présenter à la présidentielle. Les détracteurs de Bazoum Mohamed affirment que ses parents ne sont pas nés au Niger mais plutôt, selon les versions, en Libye ou au Tchad. Ces allégations n’ont, toutefois, jamais été prouvées.
Le certificat de nationalité daté du 11 juillet 1985, versé à son dossier de candidature par le candidat socialiste, est « acquis par fraude », affirment les plaignants, qui s’appuient sur le délai record de vingt-quatre heures, selon eux suspect, écoulé entre la délivrance de son acte de naissance et celle de son certificat de nationalité par deux juridictions différentes.
Du côté de Hama Amadou, sa condamnation à un an de prison entraîne automatiquement l’inéligibilité, selon le code électoral en vigueur. Mais la bête noire du régime a fait opposition tout récemment du jugement l’ayant condamné en son absence, puisqu’il se trouvait en France lors du procès. Bien qu’ayant purgé sa peine, le fait d’avoir été condamné en son absence lui donne le droit de faire opposition du jugement pour être jugé à nouveau en sa présence. Hama Amadou a formé cette opposition le 28 octobre auprès de la Cour d’appel de Niamey et c’est sur cette base, le jugement perdant dès lors son caractère définitif, qu’il a demandé la rectification de son casier judiciaire.
… contre la privation des droits civiques
Mais il n’y aura pas d’audience pour trancher le contentieux. Car le président de la Cour d’appel, Gayakoye Sabi Abdourahamane, a préféré se contenter d’une lettre, dans laquelle il affirme que le chef de file de l’opposition, bien qu’absent, a été condamné « contradictoirement », que cet arrêt est « définitif » et que « remettre en cause une décision devenue définitive » équivaudrait à vouloir « jeter un discrédit sur la décision rendue par la Cour de Cassation ». La menace est à peine voilée.
Mercredi soir, lors d’une conférence de presse, l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Niger, Daouda Samna, qui défend Hama Amadou, a estimé qu’une lettre ne pouvait se substituer à l’audience prévue par le code de procédure pénale et il a, finalement, invité la Cour Constitutionnelle à faire preuve d’indépendance dans l’examen de la candidature de son client.
Le combat politique n’aura peut-être pas lieu, faute de combattants. C’est la Cour Constitutionnelle qui aura le dernier mot sur les candidats autorisés finalement à concourir, dans un climat pré-électoral qui se tend chaque jour, faute de consensus politique préalable sur les règles du jeu.
Les élections du 27 décembre, après deux mandats du Président Mahamadou Issoufou, s’annoncent décidément à haut risque. C’est dommage : la mobilisation est intense, les candidats nombreux et les Nigériens à nouveau saisis par la fièvre politique. Le Niger mérite mieux qu’un scrutin escamoté.
Elisabeth Shérif: des élections au Niger sans règles du jeu