Arrêté lundi à la sortie d’un restaurant parisien, le panafricaniste Kémi Seba est en garde-à-vue à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, à Levallois-Perret, pour des infractions au code militaire qui lui font encourir une peine de trente ans d’emprisonnement. Son avocat, le médiatique Juan Branco, accuse Paris de « vengeance mesquine. »
Ce ne sont pas les conditions d’entrée sur le territoire français qui sont reprochées à l’activiste. Déchu de sa nationalité française le 9 juillet, pour sa « posture constante résolument anti-française, susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts français », selon le courrier que lui avait envoyé le ministère de l’Intérieur en début d’année, Kemi Seba est arrivé légalement en France, quatre jours avant son arrestation, en possession d’un visa Schengen valide délivré par l’Espagne et d’un passeport diplomatique nigérien dument accompagné d’une note verbale et d’un ordre de mission.
Ce qui lui est reproché désormais, à travers les infractions d’intelligence avec une puissance étrangère et d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, c’est finalement la déclinaison pénale des accusations portées par l’administration française dans la procédure de déchéance. Autrement dit, un délit et un crime relevant du code militaire et appliqué d’ordinaire aux traitres et aux espions.
Son avocat y voit, lui, une atteinte grave aux libertés publiques puisqu’il s’agit, dit-il, d’un contournement des lois sur la presse qui excluent les contraintes de corps.
Venger l’humiliation
Lors d’une conférence de presse mercredi à Levallois-Perret, Me Juan Branco a précisé que les infractions reprochées à son client « ne peuvent s’appliquer que quand vous nourrissez un conflit militaire avec la France ». Or, ce n’est pas le cas de Kemi Seba, activiste adepte de la non violence. « Il n’a jamais commis ni incité à un quelconque acte de violence. Ca ne lui est même pas reproché. Il n’a fait qu’utiliser des mots », a insisté l’avocat. De même, pas de manoeuvre dissimulée chez Kemi Seba qui, au contraire, a toujours agi publiquement. « Il n’a jamais masqué ses actions et partenariats avec de très nombreuses forces qui font contrepoids à la puissance états-unienne et à l’Occident, que ce soit le Vénézuela, Cuba, la Russie et autre. » Il a aussi publiquement déclaré, lors d’un voyage en Russie, qu’il ne fallait pas compter sur lui pour « asservir l’Afrique à de nouvelles puissances. »
Pour Me Branco, il s’agit plutôt de la construction d’un « prétexte pour détruire cet homme et, probablement, pour venger l’humiliation que ressentent une partie des dirigeants français suite à l’effondrement de ces dispositifs françafricains qui ont longtemps alimenté, y compris financièrement, les élites de ce pays. »
La garde-à-vue du suprémaciste noir peut être prolongée jusqu’à 96 heures. On ignore quelles suites lui seront données :libération pure et simple ou présentation au parquet et placement en détention. Il s’agit d’un « dossier strictement politique », puisqu’initié par le parquet avec, compte-tenu des implications géopolitiques et géostratégiques, une information très suivie des plus hautes autorités de l’Etat, a dit Me Branco. Kemi Seba pourrait aussi être expulsé au Bénin, où le Président Patrice Talon ne l’accueillera pas avec des fleurs, compte-tenu des relations de l’activiste avec l’opposition. Dans ce pays officiellement démocratique dont le Président règne sans partage, plusieurs opposants purgent actuellement de lourdes peines d’emprisonnement.
Kémi Séba, figure de l’anti colonialisme au Sahel, aurait été arrêté en France