Gabon, les manœuvres de Brice Oligui Nguema pour rester au pouvoir

Brice Oligui Nguema en Novembre dernier au Palais Rénovation à Libreville (Gabon) .

Trois articles clés ont été modifiés après le référendum du 16 novembre 2024 au Gabon, transformant un texte officiellement validé par le peuple en simple décret présidentiel. Cette manœuvre discrète de Brice Oligui Nguema soulève des interrogations graves sur la transparence du processus de la transition conduite par le « Général-Président ».

Au Gabon, la nouvelle constitution issue du référendum du 16 novembre 2024 a déjà été modifiée sans passer par les canaux juridiques pour peu que cela ait du sens dans un régime d’exception hybride où se côtoie une junte militaire et un gouvernement civil dans lequel siège tout de même des militaires. Ainsi dans le texte remis au nouveau maitre du pays, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, l’article 28, portant sur la préservation de l’environnement, aurait été discrètement édulcoré. Les responsabilités précises des citoyens s’effacent derrière des formulations ambiguës.

Selon des observateurs, cette dilution affaiblit « un pilier fondamental de la nouvelle gouvernance environnementale », pourtant présenté comme une priorité du pouvoir de transition. L’article 46, point névralgique sur l’empêchement temporaire du président de la République, largement débattu avant le scrutin, aurait été amendé sans aucune consultation publique. « Modifier une disposition aussi sensible sans dialogue constitue une violation de la transparence démocratique », analyse un expert en droit constitutionnel. Enfin, des changements à l’article 93, relatif à la convocation des chambres du Parlement, posent la question de l’abus des mécanismes institutionnels. L’ensemble de ces retouches met à mal les principes fondamentaux de transparence et de redevabilité.

Le peuple dessaisi de sa souveraineté

Ces révisions, opérées loin des regards, traduisent une profonde indifférence à la volonté populaire. Selon un spécialiste de la société civile, « si le peuple a voté sur un texte, il est inacceptable qu’on le lui modifie dans l’ombre ». À quoi bon appeler les citoyens aux urnes si les décisions finales se prennent ailleurs, dans les bureaux feutrés du pouvoir ? La gestion unilatérale des changements constitutionnels n’a rien de démocratique. Elle dessaisit le peuple de son droit fondamental à déterminer les règles qui le gouvernent. Comme le rappelait James Madison, l’un des pères fondateurs des États-Unis, « une Constitution ne saurait être une simple recommandation ; elle doit être une loi suprême, un bouclier contre les caprices du pouvoir ». De même, Montesquieu avertissait que « la liberté politique ne se trouve que dans les républiques où la Constitution limite le pouvoir de ceux qui gouvernent ».

Une légitimité en lambeaux

Peut-on encore parler de Constitution référendaire ? Le texte actuel ressemble davantage à une ordonnance présidentielle qu’à un pacte social issu d’un choix collectif. Cette trahison du processus met en lumière une question cruciale : jusqu’où peut-on aller dans le mépris des engagements démocratiques sans miner définitivement la confiance du peuple ? « Chaque violation des principes référendaires érode la légitimité de l’État », souligne un analyste politique. Le risque est grand que cette nouvelle entorse alimente le désenchantement citoyen et entache durablement l’avenir politique du pays. Comme le disait Abraham Lincoln, « aucun homme n’est au-dessus des lois, et personne n’est au-dessous de leur protection ».