Frédéric Bongo (volet 2), le bannissement du chaouch

La Garde Républicaine du Gabon lors du défilé de la fête nationale.

Pièce maîtresse du Système Bongo, le Lieutenant-Colonel Frédéric Bongo, fils d’Omar Bongo, puissant patron de la Direction Générale des Services Spéciaux a été limogé lors d’un « conseil des ministres » dirigé par son Président de frère.

Le 8 juin 2009, Omar Bongo décède à la clinique Quirón de Barcelone en Espagne. Il avait officiellement pris du repos pour se remettre du décès de son épouse Edith Lucie Bongo décédée le 14 Mars 2009 à Rabat au Maroc. Frédéric Bongo tourne à plein régime, il supervise tout, sécurise tout, veille à ce que les obsèques de son père se déroulent sans incidents. Véritable gardien de la transition, il organise la sécurité de la Présidente par intérim Rose Francine Rogombé, tout en veillant sur celle de son frère Ali Bongo ministre de la défense et candidat « investit » par le Parti Démocratique Gabonais.

Comme confirmé par des fuites sur les écoutes du SILAM (Centres des écoutes du Gabon, basé à la Présidence de la République) Frédéric Bongo est un acteur majeur mieux le principal artisan de la prise de pouvoir d’Ali Bongo. Au four et au moulin, il a géré de bout en bout le coup d’état électoral d’Août 2009. A ce titre, il partage au plus haut niveau la responsabilité des atrocités commises dans la répression sanglante à Libreville mais surtout à Port-Gentil des manifestants opposés au coup de force de son frère. A Port-Gentil, selon plusieurs témoignages, il y a même des « vols de la morts » c’est-à-dire que des corps d’opposants lestés sont jetés par Hélicoptère dans l’océan Atlantique…

Fredo-la-terreur

Après plusieurs jours d’émeutes, « l’ordre est rétabli » au Gabon. Ali Bongo s’installe enfin sur le « trône du Gabon ». Frédéric Bongo est aux premières loges et est confirmé dans ses fonctions par son frère aîné. Il est au sommet de sa puissance et commence à sortir de l’ombre. Grace à lui on met désormais un visage sur le poste de Directeur Général des Services Spéciaux, un poste autrefois méconnu du grand public tout comme ce service de renseignements d’ailleurs.

Frédéric Bongo est un homme craint. Il n’hésite pas à brutaliser et à embarquer des agents de la police judiciaire qui ont osé interpeller un de ses demi-frères qui roulait pourtant à contresens.

Frédéric Bongo est l’un des principaux organisateurs de la répression post-électorale en 2016, notamment de la sanglante attaque du Quartier Général de Jean Ping le 31 Août 2016. Attaque à laquelle selon plusieurs témoignages Ali bongo assiste en personne. Frédéric Bongo, se rend personnellement au centre de détention extrajudiciaire qui se trouve dans l’enceinte même d’un complexe militaro-administratif dénommé « Cité de la Démocratie » où sont conduits les dissidents politiques enlevés par de véritables « escadrons de la mort ».

Au Gabon, Frédéric Bongo est à la fois haï et craint. On le surnomme « Frédo-la-terreur », un surnom qu’il mérite largement.

Le gardien du temple

Le 24 Octobre 2018, Ali Bongo est victime d’un Accident Vasculaire Cérébral alors qu’il participe «au « Davos du désert » en Arabie Saoudite. Très vite, Frédéric Bongo prend les choses en main en bon « gardien de son frère ». Il dépêche au King Fayçal Hospital ses fidèles. Fait le ménage dans l’entourage d’Ali Bongo et frappe même le directeur de cabinet Brice Lacruche Alihanga d’une interdiction de sortie du territoire. Peu après, il entre en conflit ouvert avec Sylvia Bongo l’épouse d’Ali Bongo.  Concernant le lieu de la convalescence d’Ali Bongo, Frédéric Bongo impose que son frère aille au Maroc plutôt qu’en Angleterre comme le souhaite la « première dame » du Gabon.

Pendant trois mois, son pouvoir est tel qu’il est surnommé « le régent » mais « le clan de la première dame » prépare la riposte et le coup d’état manqué du 07 Janvier 2019 lui en donne l’occasion.

La lutte

Le 07 Janvier 2019 à 4h du matin, un commando d’une dizaine de soldats majoritairement issus de la Garde Républicaine, s’empare de la télévision publique gabonaise. Leur Chef est le Lieutenant de la Garde Républicaine Kelly Ondo Obiang, commandant adjoint de la Garde d’honneur. Les insurgés appellent l’armée et la population à se soulever pour l’instauration d’une transition démocratique. L’armée ne les rejoindra pas quant aux populations, elles n’iront pas loin non plus. A 9h l’assaut est donné et – révélation de Mondafrique – Frédéric Bongo en personne y prend part arme à la main. A partir de ce moment, il perd la main et ne la reprendra plus. Fin Janvier, Sylvia Bongo procède à une purge de 18 puissants conseillers Présidentiels parmi lesquels le célèbre Park Chang Sul. Frédéric Bongo est épargné.

Frédéric Bongo n’a plus l’initiative mais résiste pendant 10 mois. Même s’il organise le « retour triomphal » de son frère et trône fièrement à ses côtés au défilé militaire le 17 Août 2019 il sait pertinemment qu’il est sur la liste rouge. Le rétablissement de ce frère pour qui il a tant œuvré semble le rassurer. Selon un officier Supérieur Gabonais diplômé de Saint-Cyr : « Seul Ali pouvait débarquer Frédéric, d’abord parce que c’est son grand frère, ensuite parce que c’est le seul qui pouvait éviter que Frédéric et ses éléments tentent quelque chose, n’oubliez pas que l’armée obéit à Ali ! Mais je pense qu’il n’a jamais pensé que son frère puisse le démettre de ses fonctions vu tout ce qu’il a fait pour lui ».

Le bannissement final

 La nouvelle tombe donc au Gabon le 15 Octobre 2019 lors de la publication du communiqué final du conseil des ministres Présidé par Ali Bongo Ondimba en personne : « Ministère des affaires étrangères- Ambassade du Gabon en Afrique du Sud – Attaché militaire : Lieutenant-Colonel : Frédéric bongo Ondimba ». Cette nomination, consacre la défaite personnelle du Lieutenant-Colonel Frédéric Bongo. Seul son frère pouvait le démettre de ses fonctions, il l’a fait. Pour les beaux yeux de sa femme peut-être, pour écarter ce dangereux rival certainement. Sur le coup, désarçonné, Il aurait confié : « Je n’irai pas en Afrique du Sud, Ils peuvent me descendre là-bas et mettre ça sur le dos de l’insécurité qui règne dans ce pays !». Franchira-t-il le pas ? Rien n’est moins sûr !  Homme seul, colonel sans troupes, l’exil administratif qui se présente à lui n’est peut-être pas définitif. Frédéric Bongo pourrait bien faire plus tôt qu’on ne le pense son retour à Libreville et pas forcément au service de ce frère qu’il a tant défendu et qui l’a – selon un de ses amis parisiens – « horriblement trahi ».

Lisez aussi le premier volet du portrait de Frédéric Bongo