Longtemps détenu au Qatar, Jean-Pierre Marongiu s’est éteint

Âgé de 66 ans, Jean-Pierre Marongiu est décédé le 13 juin à Nancy. En septembre 2017, Mondafrique révélait que cet entrepreneur, victime d’un associé qatari plus qu’indélicat, pourrissait dans une prison à Doha depuis déjà quatre ans (*).

Ian Hamel (Genève)  

Diplômé des arts et métiers, Jean-Pierre Marongiu a déjà travaillé au Panama, en Angola, en Thaïlande et en Malaisie, avant de venir s’installer au Qatar en 2006. Pour créer sa société de formation au management, Pro & Sys, il doit s’associer à un Qatari, qui va détenir de 51 % des actions, sans mettre un centime dans l’entreprise. La Kafala, un système de mise son tutelle, oblige l’expatrié à dépendre d’un “parrain“ local. Les premières années, tout va très bien. La société prospère. Jean-Pierre Marongiu est élu en 2008 président de l’Union des Français à l’étranger au Qatar pour un mandat de cinq ans.

Chèques sans provisions     

Mais en 2012, l’associé qatari lui annonce qu’il va lui reprendre la totalité de ses parts. L’ingénieur français souhaite les lui céder pour quatre millions d’euros. Son “parrain“ local ne lui propose… qu’un riyal. Comme Jean-Pierre Marongiu résiste, le Qatari, détenteur de 51 %, vide les comptes de la société, et le Français est accusé d’avoir émis des chèques sans provisions. « D’un seul coup, mon business s’est tari, j’ai perdu mes clients, je me suis retrouvé à taper à toutes les ports pour survivre », raconte-t-il. Jean-Pierre Marongiu réussit à faire partir sa famille. Mais pas lui. Pour quitter le pays, il lui faut un “exil visa“ délivré par son… sponsor. La justice qatarie le condamne à sept ans de détention.    

L’ambassade de France l’enfonce                                                                                                                                

Homme d’affaires très respecté dans l’émirat, Jean-Pierre Marongiu devient du jour au lendemain un pestiféré. Loin de le soutenir, l’ambassade de France à Doha cherche plutôt à l’enfoncer. « Paris ne veut rien faire qui puisse perturber ses bonnes relations avec Doha, sous prétexte que cela pourrait freiner des tractations commerciales. Les Français craignent que demander la moindre indulgence pour le prisonnier risque d’être interprété comme une ingérence dans le système judiciaire qatari », avait confié un proche du prisonnier à Mondafrique en 2017.  

1744 jours de détention         

Jean-Pierre Marongiu va poursuivre plusieurs grèves de la faim. Par ailleurs, sa situation va donner lieu à de nombreux articles dans la presse française. Finalement, l’émir du Qatar préfère le gracier en juillet 2018, après 1744 jours de détention. Rentré en France, l’ingénieur a écrit plusieurs livres sur ses déboires, « Qaptif », « InQarcéré », « Aussi noire que soit ma nuit, je reviendrai vers toi ». Depuis, Jean-Pierre Marongiu avait repris son travail. Il y a quelques semaines,  il était en poste au Gabon. Avant que la maladie ne le rattrape.   

Le 6 décembre 2021, il avait déposé plainte à Paris à l’encontre d’Ali Bin Fetais Al-Marri, alors procureur général du Qatar. Se considérant victime d’une détention arbitraire, Jean-Pierre Marongiu écrivait que le magistrat « refusait qu’il soit défendu et refusait d’investiguer afin de rechercher les responsables de la situation déficitaire des comptes bancaires de la société ». Il était défendu par l’avocat parisien Gilles-William Goldnadel.

 

  • « Qatar, Jean-Pierre Marongiu injustement emprisonné », 22 septembre 2017.