Site icon Mondafrique

Essais nucléaires, l’armée algérienne répond à sa façon au rapport Stora

En guise de réponse au rapport Stora, l’armée algérienne demande des comptes à la France sur les essais nucléaires menés en 1960 en Algérie
 
 Conférence de presse du général Jean Thiry après le troisième essai nucléaire français à Reggane, en Algérie, en décembre 1960.
 
 
A celles et ceux qui attendaient une réaction officielle de l’Algérie au rapport de Benjamin Stora- sur la mémoire de la Guerre d’Algérie commandé par le président Emmanuel Macron- voici une réponse, la plus imlacable qui soit.
 
Non seulement la réponse est cinglante mais elle vient directement du coeur du pouvoir en Algérie, l’armée. La France doit «assumer ses responsabilités historiques à travers la décontamination des sites des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien et l’indemnisation des personnes souffrant de pathologies conséquentes à ces essais atomiques »,  affirme  le général Bouzid Boufrioua, le chef de service du génie de combat du commandement des forces terrestres dans une solennelle interview accordée à la non moins officielle agence APS.
Au moins 17 explosions, 4 en surface, à Reggane, et 13 souterraines, à In Ekker
 

La réponse du berger à la bergère 

 
L’Armée se garde bien de faire allusion au rapport Stora, préférant évoquer le nouveau traité sur l’interdiction des armes nucléaires ratifié le 7 juillet 2017 à L’ONU consacrant le principe du  pollueur-payeur. « C’est la première fois que la communauté internationale demande aux puissances nucléaires de rectifier les erreurs du passé», précise le général qui détaille le nombre des essais nucléaires effectués par la France : au moins 17 explosions, 4 en surface, à Reggane, et 13 souterraines, à In Ekker. «Leurs effets se sont étendus jusqu’aux pays africains voisins, alors qu’un nombre d’essais souterrains a échappé au contrôle, ce qui a provoqué la propagation des produits de fission due à l’explosion et la pollution de vastes zones » détaille-il. « Les déchets immenses très radioactifs et de longue vie ont été enfouis sous terre et d’autres  laissés à l’air libre, sans oublier les radiations répandues sur de vastes surfaces, causant un grand nombre de victimes parmi la population locale et des dégâts à l’environnement qui perdurent hélas jusqu’à nos jours».
 
Le général Boufrioua n’avait pas besoin de critiquer la France et sa gestion politicienne et hasardeuse de l’histoire de la guerre d’Algérie. Mais le message ne souffre d’aucune ambiguïté.  Vous ne vouliez pas présenter des excuses, nous vous demanderons donc des comptes. Sous l’égide de l’ONU qui plus est, et sans doute avec l’appui de vos opinions publiques anti-nucléaire. « L’Armée algérienne ne fait pas de politique, elle n’a pas été formée pour ça », disait, sans rire, le nouvel homme fort de l’armée algérienne Saïd Chengriha à un journaliste du New York Times
 
Le général Bouzid Boufrioua dénonce l’absence d’informations sur la nature des explosions nucléaires et le matériel pollué enfoui

Crime majeur post colonial

Au moins dans la gestion politique des relations complexes avec  l’ancienne puissance coloniale, c’est le haut-commandement de l’Armée qui donne les orientations. En l’absence du président Tebboune, malade de longue durée en Allemagne, l’Institution prend donc la parole. Les mots sont pesés : quand le général Bouzid Boufrioua dénonce l’absence d’informations sur la nature des explosions nucléaires et le matériel pollué enfoui, il tient un discours technique, factuel mais redoutablement politique.
 
Personne ne pourra lui contester la légitimité de considérer l’absence d’informations sur ces essais comme «crime majeur commis par la France coloniale». 
 
En Algérie, la grande muette parle peu, mais  ce n’est pas pour ne rien dire. 
 
 
 
 
Quitter la version mobile