Côte d’Ivoire : un cadre du parti présidentiel rallie l’opposition

Le maire RHDP (parti présidentiel) de la commune de Hiré, Gilbert Kakou, a déposé, lundi 24 juin, ses valises au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Dans le ciel ivoirien, c’est un acte totalement inédit, car c’est l’inverse qui se produisait jusque-là dans le pays.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

C’est un coup de tonnerre inattendu dans le ciel politique de la Côte d’Ivoire. Lundi 24 juin, Gilbert Kacou, député du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a rejoint le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) qu’il avait quitté cinq années plus tôt comme la plupart des cadres de parti qui décident de rallier le camp présidentiel après leur élection.

En 2021, l’élu du parti présidentiel estimait avoir rejoint la majorité présidentielle parce qu’elle incarnait le mieux l’esprit du premier président, Félix Houphouët-Boigny, qu’on appelait affectueusement le père-fondateur. Les ralliements de partis ne sont pas un phénomène nouveau en Côte d’Ivoire. Mais jusque-là, c’est l’opposition qui perdait ses plumes au profit de la majorité présidentielle qui a le pouvoir de changer le destin de chaque homme politique ivoirien.

Avant Gilbert Kakou, de nombreux cadres du PDCI avaient déjà rejoint le parti d’Alassane Ouattara au moment où l’alliance entre les deux partis battait de l’aile parce que celle-ci n’avait pas survécu aux ambitions présidentielles de chaque leader. A cette époque, le PDCI était dirigé par son défunt président, Henri Konan Bédié, tandis que le parti présidentiel était tenu par Alassane Ouattara qui proposait alors à son vis-à-vis de dissoudre son parti dans le RHDP. Ce que Bédié refusa. Alors, dans la foulée, plusieurs cadres du PDCI choisirent le camp présidentiel, pour protéger leur poste de ministre au sein du gouvernement ou de directeurs généraux dans l’administration publique ivoirienne. Ou encore dans l’espoir de trouver un strapontin qui changerait leur quotidien.

 

L’ivoirité à front renversé

Mais depuis, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a eu un nouveau président à la faveur du décès de l’ancien, Henri Konan Bédié, le 2 août 2023. Ce nouveau président s’appelle Tidjane Thiam, 62 ans, ancien directeur général de l’ex-Crédit Suisse et envoyé spécial de l’Union africaine pour mobiliser le soutien international aux plans de riposte anti-Covid-19 sur le continent depuis 2020. Sa jeunesse et son carnet d’adresses sont perçus comme un atout par les Ivoiriens, ouvrant ainsi les portes du parti à de massives adhésions. Samedi dernier, Tidjane Thiam a amorcé sa pré-campagne dans la ville de Soubré, 368 km d’Abidjan, où il a dépeint l’état de pauvreté des populations ivoiriennes.

Le parti présidentiel a réagi, le lendemain, en présentant le président du PDCI comme un étranger en raison de la nationalité sénégalaise de son père, sa mère étant connue comme la nièce d’Houphouët-Boigny. Mais pour Gouali Dodo, Tidjane Thiam ferait de l’affabulation sur ses relations avec le premier président ivoirien dont il est officiellement le petit-fils. De nombreux commentaires ont néanmoins répondu à M. Gouali Dodo, un transfuge du PDCI ayant rallié le parti présidentiel dans le mois de février de cette année, l’accusant de faire de l’ivoirité à front renversé. Son attaque fut d’autant mal placée pour des observateurs de la vie politique nationale que le président Ouattara s’était dit la victime de l’ivoirité au moment où il n’était qu’un opposant politique.

Des milliers de personnes ont assisté à ce premier meeting de Tidjane Thiam dont l’élection semble avoir donné un nouveau souffle au Parti démocratique de Côte d’Ivoire créé en 1946. Faut-il en conséquence s’attendre à de nouveaux ralliements ? Les prochaines semaines ou prochains mois nous situeront.