Côte d’Ivoire, la guerre des fréquences dans l’entourage de Ouattara

Dans le but de contrôler l’opinion des Ivoiriens, Alassane Ouattara a libéralisé le secteur de l’audiovisuel en prenant soin d’offrir à ses proches les fréquences télé disponibles. Il était alors loin d’imaginer qu’il ouvrait ainsi une boîte d’inimitiés entre, d’un côté, le fils aîné de son épouse, Loïc Folleroux, et, de l’autre, son sorcier Voodoo de la communication, Fabrice Sawegnon.

L’un, Loïc Folleroux, 48 ans, est le fils aîné de la Première dame de Côte d’Ivoire et donc le gendre d’Alassane Ouattara et, l’autre, Fabrice Sawegnon, 52 ans, le célèbre communicant du président qui n’a pas sa langue de sa poche. Entre les deux hommes, l’ambition d’avoir la première télévision privée du pays s’est transformée en une haine réciproque. Et puisque tous les deux sont des Ado boys, le président ivoirien n’arrive pas à trancher, confortant ainsi la position de son gendre qui est également fils à maman.

En effet, lorsqu’en 2016, la libéralisation de l’audiovisuel met fin au monopole de la Radiodiffusion télévision ivoirienne, la RTI, Alassane Ouattara prend soin de distribuer les nouvelles fréquences à son premier cercle de famille, d’amis ou de collaborateurs. Plusieurs chaînes TNT sont ainsi créées. Il s’agit de : 7/7 infos appartenant à Philippe Kaboré, le fils aîné d’Henriette Diabaté, ex-grande médiatrice de Côte d’Ivoire et proche de Ouattara, (NCI) la Nouvelle chaîne ivoirienne de Loïc Folleroux, l’aîné de Dominique Ouattara et Lifetv de Fabrice Sawegnon, le patron de Voodoo group qui s’occupe de la communication politique d’Alassane Ouattara depuis ses années d’opposition. Populaire auprès des jeunes, FS comme l’appellent ses intimes peine néanmoins à réaliser ses ambitions politiques au Plateau en raison de ses origines béninoises.

Persuasif, Sawegnon obtint l’entrée de TF1 sans le capital social de son groupe qui comporte également une radio : Life radio. Le groupe français promet d’ailleurs d’investir plusieurs centaines de millions d’euros et de faire de son partenaire Lifetv la première chaîne privée de Côte d’Ivoire. Mais Loïc Folleroux qui est mis au courant fait échouer la transaction en usant de l’influence de sa mère, très introduite dans le milieu des affaires français. Bouygues, fondateur de la chaîne est en effet un ami de la Première dame ivoirienne et il jette l’éponge sans explication. Face à cette déconvenue, Sawegnon jette son dévolu sur M6 qui s’empare de 33% du capital de Lifetv contre 20 millions d’euros d’investissement.

Les relations entre les deux hommes ne s’améliorent pas. Pour des raisons de profits uniquement. Le marché de la publicité est assez étroit et ne pèse que 12 milliards. Ce qui est à peine suffisant pour le fonctionnement d’une seule chaîne de télévision. NCI a néanmoins bien plus d’atouts que ses adversaires. A commencer par les ressources illimitées de son patron, Loïc Folleroux. Le fils aîné de la Première dame de Côte d’Ivoire est en effet un des principaux exportateurs de cacao en Côte d’Ivoire et bénéficie chaque année d’une rente de 360.000 tonnes de la fameuse fève. En raison de la position de sa mère, il capte également toutes les campagnes de publicité des principales entreprises publiques et privées du pays, le plus souvent sans appel d’offres. « Il râcle tout, parce que c’est le fils de la Première dame », s’agace à Abidjan un de ses détracteurs. Mais NCI fait aussi ce qu’il y a de mieux en matière de télévision. Avec le recrutement à prix d’or de Malick Traoré qui faisait encore les beaux jours de Canal+ Sport il y a quelques mois, elle s’impose comme la meilleure chaîne de télé privée de Côte d’Ivoire. NCI a pu aussi réussi à signer plusieurs journalistes prometteurs ivoiriens tels que Roselyne Déba formée à l’institut des sciences et techniques de la communication (ISTC), Salif Diarrassouba, le patron de l’émission 360°, Kony Touré… Et pour ne rien laisser à ses concurrents, NCI monopolise également les droits de diffusion des grands événements sportifs grâce aux immenses pouvoirs de Loïc.

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)