Centrafrique – Wagner en guerre contre le dégel de l’axe Paris-Bangui

 
 
La stratégie de rapprochement franco-centrafricain menée depuis le début de l’année se heurte à des contre-offensives russes sur le plan diplomatique et dans le domaine de la propagande. Sur le terrain sécuritaire, le groupe de paramilitaires russes Wagner regagne en activité., d’après Africa Intelligence Extraits
 
« Depuis plusieurs semaines, le groupe paramilitaire russe Wagner affiche un certain activisme, intensifiant sa propagande à l’encontre de la France et multipliant les mouvements sur le terrain. Ce regain d’activités a été couronné par l’inauguration, le 3 décembre, d’une statue tournant le dos à la maison russe et faisant face à la ville de Zongo, en RDC, élevée à la gloire de leurs défunts chefs, Evgueni Prigozhin et Dmitri Outkin. Le chef d’état-major des armées, Zéphirin Mamadou, et le ministre de la défense, Claude Rameau Bireaux, ont assisté à la cérémonie aux côtés de Dmitri Sytyi, le chef de la nébuleuse en Centrafrique, et de son responsable des affaires militaires, Denis Suprunov.
 
Si les membres de Wagner sont plus nombreux à patrouiller dans les rues de Bangui depuis quelques semaines, c’est leur arrivée dans la localité de Sam-Ouandja (Haute-Kotto), dans le nord-est du pays, qui s’est fait davantage remarquer. Fin novembre, notamment en lien avec la présence présumée sur place d’une dizaine de leaders de groupes armés, les paramilitaires y ont fortement renforcé leurs effectifs et apporté une quantité importante de matériel militaire, par avion, depuis l’aéroport de M’Poko, à Bangui.
 
Cœur urbain d’une zone diamantifère proche de la frontière soudanaise, Sam-Ouandja est un point stratégique pour Wagner. Au début du conflit soudanais, ses membres apportaient régulièrement leur aide au chef de guerre soudanais Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemeti » (AI du 28/04/23). Ses Rapid Support Forces (RSF), qui contrôlent le Darfour voisin, opèrent toujours dans le nord-est de la Centrafrique, notamment à travers des groupes rebelles transfrontaliers.
 
Une fausse lettre
 
Ce renforcement d’effectifs sur le terrain s’est accompagné d’une reprise des attaques informationnelles à l’encontre de la France. À mesure que Paris a entamé son rapprochement avec Bangui, au point d’annoncer le 13 novembre la reprise de son appui budgétaire (AI du 05/06/24), la propagande russe anti-française s’est accentuée, rappelant le pic atteint en 2021. Et ce, jusqu’à faire circuler une fausse lettre, prétendument signée de la main du ministre français des armées, Sébastien Lecornu, adressée à l’ambassadeur de France en Centrafrique, Bruno Foucher, faisant état d' »essais d’armes létales de grande puissance » en préparation en Centrafrique.
 
Ce faux a suffisamment été pris au sérieux par l’ambassade de France pour qu’elle démente « avec la plus grande vigueur les propos délirants rapportés à M. Lecornu ». Au mois de novembre, le premier conseiller de l’ambassade, Alexandre Piquet, s’était déjà retrouvé au cœur d’une campagne l’accusant d’avoir organisé une vaste opération de « vol de pénis » sur le sol centrafricain.
 
Campagnes anti-françaises
 
Sur la scène politique, Paris a été pris de court par un projet de loi très russophile visant à « réguler » les personnes physiques ou morales que les autorités estiment « contrôlées financièrement » depuis l’étranger. Bien que reportée sine die (AI du 04/11/24), l’étude du texte par l’Assemblée nationale inquiète la France, qui n’a pas encore décaissé son aide de 10 millions d’euros. Alors qu’elle devait à l’origine atteindre 20 millions d’euros, cette enveloppe avait été suspendue en juin 2021 dans un contexte similaire de campagnes anti-françaises menées par la Russie sur le territoire centrafricain.
 
Le Kremlin tente également de contrer son adversaire sur le plan diplomatique. Les 5 et 6 décembre, Faustin-Archange Touadéra a reçu une délégation russe menée par le vice-ministre de la défense, Iounous-bek Evkourov (AI du 03/12/24). Celle-ci devait aussi rencontrer le président tchadien, qui a acté la fin des accords de défense avec la France, le 29 novembre. Mahamat Idriss Déby a toutefois décalé sa visite à Bangui à janvier prochain, selon RFI.
 
Enfin, une délégation du ministère de l’agriculture russe, menée par le directeur des exportations de produits agricoles, Artem Malkhasyan, s’est rendue à Bangui le 20 novembre. À l’occasion de cette visite, dont l’objet était notamment de proposer des formations dans le secteur agricole au sein d’universités russes, Artem Malkhasyan a rencontré le ministre de l’agriculture centrafricain, Guismala Hamza, ainsi que le ministre de l’élevage, Hassan Bouba. Ce dernier est connu pour ses liens de proximité avec les paramilitaires du groupe Wagner «