Au motif de mieux lutter contre les exportations illégales et de renforcer la transparence du secteur, l’exécutif centrafricain entend réécrire son code minier dont la dernière mouture date d’Avril 2009. Un projet de loi pour l’adoption de ce nouveau code est actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale mais le processus d’adoption de ce projet de loi est actuellement en suspens…
Ce projet de nouveau code minier confère des attributions extrêmement larges à une société dénommée GEMINCA (Gemmes et minéraux de Centrafrique) dans laquelle l’Etat centrafricain serait actionnaire majoritaire (dont les statuts et l’actionnariat demeurent inconnus) qui contrôlerait de fait l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur.
Ainsi, Les artisans miniers seront obligés de vendre leur production à la GEMINCA ou aux bureaux d’achat (article 155). La collecte des pierres sera effectuée par des « acheteurs agréés par le Ministère des Mines » et seront salariés de la GEMINCA (article 159). Les bureaux d’achats « doivent obligatoirement être reconnus par la GEMINCA » (article 161). Enfin, « les tailleries et les bijouteries sont tenues de s’approvisionner en produits miniers exclusivement auprès de la société GEMINCA » (Article 155).
De nombreux acteurs du secteur inquiets
Ce nouveau Code viendrait ainsi bouleverser le système actuel basé sur une exploitation artisanale qui confère un emploi à de nombreux artisans qui le plus souvent extraient le minerai en payant des ouvriers, le revendent à des collecteurs, lesquels les monnaient aux bureaux d’achat autorisés à exporter. Cette filière qui génère ainsi des revenus à de nombreux intermédiaires et permet la survie de plus d’un nombre très conséquent de familles de Centrafrique est donc clairement menacé par ce nouveau code minLe fait que les artisans miniers et les coopératives minières ne puissent plus exporter et doivent exclusivement vendre leur production à la GEMINCA risque contrairement à l’effet escompté de renforcer la contrebande de diamants alors que plus de 80 % de la production de diamants sort aujourd’hui en contrebande du pays, sans aucun contrôle de l’Etat sur cette ressource…
Le précédent de l’opération « closing gate ».
Les principaux acteurs du secteur risquent par ailleurs de se sentir floués par ce nouveau projet de code minier et l’importance octroyée à la société GEMINCA. L’on se souvient encore de la décision d’Octobre 2008, lorsque le Ministre des Mines Sylvain Ndoutingaï avait retiré l’agrément d’exportation minière à huit des dix bureaux d’achat officiellement agréés pour collecter l’or et le diamant en RCA. Dans le cadre de cette opération « closing gate », des fonctionnaires des mines et des soldats avaient été déployés dans les zones minières du pays où ils avaient confisqué des pierres précieuses, de fortes sommes d’argent et autres biens tels que véhicules aux bureaux d’achats et aux collecteurs. Sous prétexte de situation fiscale ou administrative irrégulières, de lourdes amendes sont imposées. Les victimes parlèrent de cet épisode comme d’un braquage officiel perpétré puisque les biens saisis ne leur seront jamais restitués. L’un des principaux objectifs de cette opération consistait à s’emparer de la part de marché des exploitants évincés et, ce faisant, à créer un quasi-monopole pour certains négociants en diamants du pouvoir. Quelques mois après cette opération, la Séléka exigea une compensation financière et la restitution des diamants et de l’or « volés » par le régime en 2008…
L’exemption octroyée à la société MIDAS RESSOURCES.
Selon l’article 155 du projet de loi, « l’exploitation, la commercialisation et l’exportation de pierres, métaux précieux et semi-précieux sont autorisées aux titulaires des titres miniers d’exploitation industrielle conformément aux dispositions de la présente loi. » Cet article permet ainsi à la seule société minière titulaire d’un permis « de production industrielle » MIDAS RESSOURCES indirectement détenue par des intérêts russes de la galaxie du groupe de mercenaire PMC Wagner de continuer à exploiter le juteux site aurifère de Ndassima et de continuer à en exporter le produit.
Le marché de la sécurisation des sites miniers
Les partenaires russes cherchent par tous les moyens à recouvrer les sommes colossales engagées par la société de mercenariat PMC Wagner pour aider à combattre les groupes rebelles en Centrafrique. Or, l’article 154 du projet de loi dispose que « pour exécuter efficacement la politique de l’État dans le domaine de la circulation des pierres et des métaux précieux et semi-précieux, la société GEMINCA peut à sa discrétion, faire appel à tout service de sécurité. » Cet article ouvre clairement la porte à l’octroi d’un vaste marché de sécurisation de sites miniers par le groupe de mercenariat privé PMC Wagner aux frais de l’Etat Centrafricain.
Cette refonte du Code minier apparaît donc clairement mettre en danger la survie de nombreux acteurs clé du secteur tout en favorisant les intérêts de la société privée Wagner.