Alors que le Burkina se rend aux urnes ce dimanche 22 novembre, presque rien ne subsiste du « printemps africain » qui avait accompagné, le 1er décembre 2015, l’élection au premier tour de Roch Marc Christian Kaboré avec 53,49 % des voix, après vingt-sept ans de règne de Blaise Compaoré, le président déchu en 2014.
Sous la Présidence de Kaboré, le Burkina Faso a brutalement plongé dans la violence. Depuis la première attaque revendiquée par un groupe jihadiste, à l’Ouest du pays, en octobre 2015, plus de 550 attaques par différents groupes armés, jihadistes ou non, ont été répertoriées contre des civils ou les forces de défense et de sécurité, notait un rapport de Crisis Group voici un an. En dépit des efforts de contre-insurrection de l’Etat burkinabè et de ses partenaires, la situation se détériore : 66 pour cent de ces attaques ont eu lieu en 2019.
En octobre 2017, le mouvement insurrectionnel se propageait au Nord du pays, principalement dans la province du Soum, en lien avec la crise malienne. Au cours des deux années suivantes, les régions du Sahel, de l’Est et du Centre-Nord se sont embrasées, et les violences se sont multipliées dans le reste du pays, en particulier les régions du Nord et de la Boucle du Mouhoun.
Des menaces sous estimées
Les autorités burkinabè ont eu tendance à sous-estimer la menace. Elles ont longtemps considéré qu’elle était exclusivement d’origine libyenne, puis malienne, et qu’elle était entretenue par des réseaux proches de l’ancien président Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire depuis 2014. L’ancien pouvoir jouait certes un rôle d’intermédiaire auprès de ces groupes jihadistes, qui le ménageaient en retour. Mais les petits groupes jihadistes de l’époque, spécialisés dans les enlèvements, étaient bien différents des insurrections armées d’aujourd’hui qui s’étendent dans toute la sous-région. Après la décision de Compaoré d’engager le Burkina Faso au sein de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), le contingent de Casques bleus burkinabè avait subi une première attaque en août 2014.
Confrontées à une extension géographique sans précédent des violences armées, les autorités commencent tout juste à prendre conscience qu’au-delà de ces facteurs extérieurs, les groupes jihadistes, composés essentiellement de combattants burkinabè, constituent un phénomène endogène. Elles persistent néanmoins à blâmer des mains invisibles, en particulier lors de la campagne qui a précédé les élections présidentielle et législatives qi viennent d’avoir lieu.
Cette menace est davantage la conséquence que la cause des problèmes que rencontre le Burkina Faso. Ce rapport analyse le rôle joué par la crise multiforme du monde rural burkinabè dans la diffusion des violences armées. Il s’inscrit dans la continuité des rapports de Crisis Group sur le Burkina Faso et le développement des insurrections jihadistes au Sahel central. Il repose sur des entretiens avec des responsables gouvernementaux, des acteurs politiques et de la société civile, des membres des groupes d’autodéfense Koglweogo, des forces de défense et de sécurité, des experts, des diplomates et différents partenaires du pays, réalisés au Burkina Faso entre juillet et octobre 2019.