Arrivé hier en Algérie, pour une réunion bilatérale algéro-espagnole, Mariano Rajoy accompagné par quelques membres de son gouvernement ont appelé l’Algérie à ouvrir son économie aux investissements étrangers et à baisser ses tarifs douaniers. Un appel à davantage de libre-échangisme avec le risque de ruiner l’économie locale et en oubliant aussi que le succès chinois s’est bâti sur une loi qui oblige tout investisseur étranger à s’associer à un ou plusieurs partenaires nationaux détenant 51% des parts de l’entreprise.
« L’Algérie doit assouplir sa réglementation sur les investissements étrangers et lever ses barrières aux importations », a estimé la secrétaire d’Etat espagnole au Commerce, María Luisa Poncela, mardi à Alger.
Plusieurs partenaires industriels et commerciaux de l’Algérie ont également récemment appelé Alger à ouvrir son économie, trop fermée selon eux aux investissements étrangers et aux importations.
L’Espagne est le 3e client et le 5e fournisseur de l’Algérie, où opèrent 250 entreprises espagnoles, a rappelé M. Rajoy qui participe mardi en Algérie à la 7e « réunion de haut niveau » entre les deux pays et a rencontré le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia puis le président Abdelaziz Bouteflika.
« J’ai eu l’occasion de traiter avec le président Bouteflika des questions d’intérêt régional pour l’Espagne et l’Algérie », indique M. Rajoy sur son compte twitter, au-dessus d’une photo des deux dirigeants.
M. Bouteflika, âgé de 80 ans et très affaibli depuis un accident vasculaire cérébral en 2013, reçoit peu de dignitaires étrangers et apparaît rarement en public.
Les échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Espagne ont représenté 7,3 milliards d’euros en 2017, largement en faveur de l’Algérie.
S’exprimant devant un forum réunissant des hommes affaires des deux pays, M. Ouyahia a déploré une présence économique espagnole en Algérie « encore modeste », hors du secteur des hydrocarbures.
« Les relations politiques, la coopération et les échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Espagne offrent de grands motifs de satisfaction, ce qui n’est malheureusement pas encore le cas en ce qui concerne les investissements », a-t-il expliqué.
Plus de 500 entreprises espagnoles ont travaillé depuis l’année 2000 en Algérie, a-t-il détaillé, mais « sont reparties une fois que leurs chantiers avaient été achevés », a-t-il regretté.
« L’Espagne est un bon client de l’Algérie, et l’Algérie un bon fournisseur de gaz pour l’Espagne », a de son côté expliqué M. Rajoy aux hommes d’affaires algériens et espagnols, « nos liens économiques ne s’arrêtent pas là » mais « comme vous pouvez l’imaginer, nous aspirons à plus ».
A l’ouverture du Forum, Maria Luisa Poncela avait appelé Alger à « réviser la réglementation qui régit les investissements étrangers en Algérie pour les stimuler ». L’investissement étranger est « vital pour renforcer le tissu entrepreneurial algérien », a-t-elle souligné.
Une loi algérienne dite « 51/49 », qui oblige tout investisseur étranger à s’associer à un ou plusieurs partenaires algériens détenant 51% des parts de l’entreprise, est souvent considérée comme un frein important aux investissements extérieurs en Algérie.
Mme Poncela a aussi attribué aux « mesures de restrictions imposées » aux importations par Alger, une « chute de 11% » des exportations espagnoles vers l’Algérie en 2017.
« L’Espagne ne considère pas le déficit commercial (…) avec l’Algérie comme un problème, nous considérons comme un problème les restrictions posées par le pays aux importations de certains produits, a-t-elle lancé.
La chute des prix du brut, dont le pays tire 50% de son PIB, 60% de ses recettes budgétaires et 95% des ses devises, a sévèrement touché l’économie algérienne.
Pour endiguer la fonte rapide de ses réserves de change, Alger a mis en place en 2016 des quotas aux importations de certains produits, remplacés depuis le 1er janvier par l’interdiction totale d’importation de 900 familles de produits en Algérie.
Les restrictions aux importations, prises « du fait de la chute du prix du pétrole et de son impact sur la balance des paiements » par l’Algérie « pèsent sur nos relations commerciales », a admis M. Ouyahia.
« Ce sont des mesures tout à fait transitoires que nous espérons voir levées dans un délai maximum de trois années », a-t-il assuré.
A cette occasion, Mondafrique rappelle :
Joseph Stiglitz, prix Nobel d’Economie : « Aucun pays au monde, ni les Etats-Unis, ni l’Angleterre, ne s’est développé sous le régime commercial du libre-échange ».
Alternatives économiques : « Les premiers plaidoyers des économistes en faveur du libre-échange datent de la fin du XVIIIe siècle. En effet, historiquement, aucun pays ne s’est développé sans recourir au protectionnisme. Aux Etats-Unis, la question fut en partie à l’origine de la guerre de Sécession, qui opposa le Sud libre-échangiste (ses exportations agricoles l’y incitaient) et le Nord protectionniste (il s’agissait de se prémunir de la concurrence britannique). Le libre-échange est donc toujours surtout soutenu par les puissances dominantes qui n’ont rien à en craindre du fait de leur supériorité technique. C’est ainsi que l’Angleterre n’a milité pour le libre-échange que durant la seconde moitié du XIXe siècle et les Etats-Unis un siècle plus tard, une fois leur suprématie établie ».
Amadou Seydou Traoré, Mali : « Les migrants, ceux qui partent vers les pays du nord, ils ne font que suivre le chemin des richesses de leurs pays ».