Algérie, le général Lachkham à nouveau sur la sellette

La mise en cause judiciaire de l’ancienne ministre des Télécommunications dAbdelaziz Bouteflika, Houda-Imane Feraoun, pourrait déstabiliser le général Abdelkader Lachekham, le patron des transmissions au ministère de la Défense, qui avait obtenu pour son fils du régime précédent un monopole pour la région de Laghouat dans le sud algérien, comme Mondafrique l’avait révélé.

Nous avions également révélé comment ce haut gradé a largement gagné la confiance de Gaïd Salah, aujourd’hui décédé, en lui fournissant les écoutes qui démontraient la volonté de Said Bouteflika, en fin de course, d’écarter le chef d’état major de ses fonctions. C’est lui qui a également contribué très largement par sa main mise sur les transmissions à la victoire électorale du président Tebboune.

Rappelons qu’en raison de ces révélations, Mondafrique est interdit en Algérie

Le site « Algérie Patriotique », proche de Khaled Nezzar, confirme en partie dans un article récent les informations de Mondafrique. Un différent oppose en effet la famille Nezzar et le général Lachekam. Ce dernier a notamment omis de transmettre à Gaïd Salah, pendant l été 2019, des courriers que lui avaient adressé le général Nezzar et son fils dans un esprit de conciliation.

Voici le texte fort instructif publié par Algérie Patriotique

Nicolas Beau

La convocation de l’ancienne ministre de la Poste et des Télécommunications, Houda Imane Feraoun, par le juge va sans aucun doute ouvrir la boîte de Pandore. Car, estiment des sources informées, il n’est pas possible que Houda-Imane Feraoun ait pu gérer le secteur sensible qui lui avait été confié sans qu’elle en eût référé aux autorités militaires avec lesquelles elle travaillait en étroite collaboration. Quelles que soient les charges pour lesquelles l’ex-ministre sera jugée, ceux-ci impliqueront de fait toutes les parties auprès desquelles elle devait obtenir le feu vert, sans quoi elle ne pouvait agir.

Le nom du général Abdelkader Lachekham, directeur central des transmissions au ministère de la Défense nationale, a régulièrement été cité comme élément clé dans la gestion du secteur des télécommunications, ce dernier engageant des questions liées à la sécurité nationale. Or, les agissements de Houda-Imane Feraoun ont toujours suscité des interrogations, aussi bien en ce qui concerne les aspects purement économiques que ceux ayant trait aux fréquences et aux bases de données qui relèvent du domaine sécuritaire. Aussi, les accusations qui sont dirigées contre l’ancienne ministre ne peuvent épargner les cercles de décision sans l’aval desquels aucun projet ne pouvait être entrepris et aucune mesure n’était applicable.

Le secteur des télécommunications a connu une véritable opération de sabotage depuis la désignation de Zohra Derdouri à la tête de ce ministère névralgique par Saïd Bouteflika, avant que Houda-Imane Feraoun lui succède de la même manière, c’est-à-dire sur injonction directe du frère de l’ancien président de la République. Les deux ministres se sont distinguées par leur gestion catastrophique qui a relégué l’Algérie au dernier rang des classements mondiaux en matière de maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication et de débit internet. Le secteur est allé de mal en pis jusqu’à ce que notre pays soit classé récemment avant-dernier, juste devant la Palestine occupée.

Houda-Imane Feraoun et Zohra Derdouri avaient dans le collimateur les fournisseurs privés d’accès à Internet qu’elles ont poussés à la faillite l’un après l’autre jusqu’à ce qu’il ne reste sur le marché que deux opérateurs «récalcitrants» qui refusaient de se soumettre au diktat de la ministre et du directeur des transmissions au ministère de la Défense nationale. Ces entreprises seront fermées de façon arbitraire, mettant plusieurs centaines de travailleurs au chômage et laissant des centaines d’entreprises et d’institutions sans connexion du jour au lendemain.

Les responsabilités dans les affaires pour lesquelles Houda-Imane Feraoun sera entendue étant partagées, le directeur des transmissions au ministère de la Défense nationale ne pourra pas échapper à la justice, relèvent des sources qui maîtrisent on ne peut mieux ce dossier épineux qui est loin d’avoir révélé tous ses secrets.

Affaire à suivre donc.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)