Alger, la justice au service du président Tebboune

Lle président algérien, Abdelmajid Tebboune, marque une double victoire dans les affaires judiciaires qui risquaient de le compromettre: son fils est blanchi et son principal accusateur sous les verrous:

Le président Tebboune s’est fait le champion, depuis son élection, de la lutte contre la corruption. En quête d’une légitimité, le chef de l’état algérien a demandé la mise en place de « mécanismes propres à éviter les conflits d’intérêts entre l’exercice des responsabilités publiques et la gestion des affaires ». Privé de toute assise populaire face au Hirak, le président Tebboune tente de reprendre à son compte l’une des revendications de la rue, alors même que les procès de grands patrons arrêtés au printemps 2019 sont toujours en cours.

Loin de ces déclarations d’intention, le président Tebboune a pour l’instant surtout instrumentalisé la justice algérienne à son profit comme le montrent l’acquittemetn de son fils et la mise en détetion de ses détracteurs.

Le fils Tebboune acquitté

Le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, vient d’acquitter, ce mercredi, Khaled Tebboune, fils du président Abdelmadjib Tebboune, de toutes les charges dans des scandales de promotion immobilière, dont l’accusé principal est Kamel Chikhi, dit El-Bouchi ou encore le boucher. Ce dernier, qui apparaissait depuis l’été dernier comme le cerveau d’un vaste système de blanchiment de la cocaine, est condamné à huit ans de prison ferme par le même tribunal et à une amende d’un million de dinars dans une affaire « d’octroi et perception d’avantages » ainsi que « d’abus de fonction ».

Autant dire de peines particulièrement clémentes compte tenu des charges qui pesaient sur lui

Tebboune, l’esprit de famille

Par ailleurs, nos confrères d’Algérie Part racontent comment l’actuel président algérien était en relations d’affaires avec Ali el Hamel, le très discret vice-président FLN de l’Assemblée Populaire Nationale (APN), qui avait bâti un véritable empire industriel.En effet, lors de son passage à Adrar en tant que secrétaire général de la wilaya entre 1977 et 1979, et plus tard en tant que Wali entre 1983 et 1984, Abdelmadjid Tebboune, a eu tout le temps de se lier d’amitié avec le Ali el Hamel. Lequel Hamel avait d’ailleurs longtemps nommé à la tète de sa minoterie un des fils du président algérien.

L’affairisme de Tebboune lui avait valu le déclenchement de plusieurs procédures. Abdelwahid Temmar, son successeur au ministère de l’Habitat, avait diligenté une enquête sur tous les anciens projets de l’actuel Président, notamment ceux concernant l’attribution des chantiers des logements aux entreprises étrangères.

Une mascarade judiciaire

Mais un Tebboune devenu chef de l’état est désormais intouchable. Et, pur hasard, Abdelwahid Temmar a été placé, en ce début de mois de Février 2020, en détention provisoire à la prison d’El Harrach par le juge d’instruction près la Cour suprême, accusé de plusieurs chefs d’inculpations du temps où, nous dit-on, il occupait entre 2015 et 2017 le poste de Wali de Mostaganem…

Le grand déballage judiciaire qui a eu lieu en Algérie depuis un an démontre le caractère proprement maffieux des élites du pays.

Article précédentL’Institut du Monde Arabe en quête d’une Arabie oubliée
Article suivantTunis, du harcèlement sexiste au sein de l’ISIE
Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)