La journaliste et activiste en ligne Samira Ibrahim Sabou, du webmedia NigerSearch, a été convoquée le 10 juin par le doyen des juges d’instruction de Niamey et aussitôt incarcérée, sur une plainte en diffamation du fils du Président de la République, Abba Mahamadou Issoufou, qui est aussi directeur de cabinet adjoint de son père.
La loi sur la presse du Niger, dont la dernière version, adoptée en 2010, interdit la détention préventive en matière de délit de presse, a déjà été plusieurs fois violée. Elle a conduit plusieurs journalistes en prison, l’un d’eux, Baba Alpha ayant même été expulsé de son pays en avril 2018, le jour de sa levée d’écrou après un an de détention.
Plusieurs organisations ont interpellé les autorités nigériennes pour exiger la libération de la journaliste.
Impunité pour ceux qui ont détourné les fonds de la Défense
« Nous demandons instamment aux autorités nigériennes de ne pas saper les efforts engagés ces dernières années en matière de liberté de presse. Cette journaliste doit être libérée », a déclaré le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. « L’accusation de diffamation à son encontre par le fils du Président de la République n’est qu’une manœuvre de plus pour saper son travail et celui de tous les activistes anti-corruption qui dénoncent les allégations de corruption dans le pays », a pour sa part affirmé Kiné-Fatim Diop, chargée de campagne sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
« Samira Sabou, qui n’a commis aucun crime, risque jusqu’à trois ans de prison et une amende si elle était reconnue coupable. Amnesty International considère que son arrestation et sa détention sont arbitraires et rentrent dans le cadre du harcèlement judiciaire des acteurs de la société civile et des médias afin de les faire taire », a-t-elle poursuivi.
La Maison de la Presse du Niger a, quant à elle, publié un communiqué rappelant le régime de la liberté de la presse au Niger. Et « constaté une mise à rude épreuve de l’engagement pris par le Président de la République à travers la signature de Déclaration de la table de la Montagne. »
Cette célérité judiciaire contraste avec l’impunité dont ont jusqu’ici bénéficié les acteurs des détournements de fonds au ministère de la Défense du Niger, estimés à plus de 111 millions de 2017-2019 par l’Inspection Générale des Armées. De nébuleuses négociations pour le remboursement d’une partie de ces sommes ont été menées, sous l’égide du directeur de cabinet du Président de la République, avec les fournisseurs. Mais aucun d’entre eux n’a encore fait l’objet de poursuites pénales, sans parler de leurs complices au sein de l’administration, de l’armée et des cabinets politiques.