Nouvelle atteinte aux libertés publiques au Rwanda

Un homme politique condamné pour avoir porté atteinte à l’image du Rwanda
Le président rwandais Paus Kagamé, devrait respecter la liberté d’expression, libérer les détenus, abroger la disposition abusive du Code pénal

(Nairobi, 18 janvier 2023) – La condamnation d’un homme politique rwandais de l’opposition pour avoir prétendument terni l’image du pays est un exemple de l’utilisation abusive de longue date du système judiciaire pour étouffer la liberté d’expression et d’association, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le 16 décembre 2022, la chambre de la Haute Cour de Rwamagana a condamné Théophile Ntirutwa, membre du parti d’opposition non enregistré Dalfa-Umurinzi, à sept ans de prison pour avoir répandu « des informations fausses ou des propagandes nuisibles avec l’intention de provoquer une opinion internationale hostile à l’État rwandais ». Cette infraction pénale est incompatible avec les obligations régionales et internationales du Rwanda en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression.

« La condamnation d’un énième opposant politique pour avoir prétendument cherché à susciter l’hostilité contre le Rwanda témoigne du prix élevé à payer lorsqu’on s’implique dans la politique au Rwanda », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « C’est d’autant plus surprenant que le Rwanda préside actuellement le Commonwealth, qui se présente comme un champion de l’état de droit et de la bonne gouvernance ».

Ntirutwa a été arrêté le 11 mai 2020 à la suite d’un violent incident dans sa boutique située dans le district de Rwamagana, au cours duquel un homme a été poignardé à mort. Le 18 mai, Ntirutwa et trois autres personnes qui se trouvaient dans son magasin au moment de l’incident ont été accusés de formation d’une association criminelle, meurtre, vol et, dans le cas de Ntirutwa, d’incitation au soulèvement et de « répandre des informations fausses ou des propagandes nuisibles avec l’intention de provoquer une opinion internationale hostile à l’État rwandais ». Ntirutwa et ses trois co-accusés ont passé plus de deux ans et demi en détention provisoire.

Tentative d’assassinat

Le 16 décembre 2022, Ntirutwa a été acquitté de tous les chefs d’accusation, à l’exception de la diffusion de fausses informations dans l’intention de créer une opinion hostile à l’égard du Rwanda à l’étranger. Ntirutwa a été condamné sur la base d’appels téléphoniques qu’il a passés à la dirigeante de son parti, Victoire Ingabire, et à un journaliste, durant lesquels il a déclaré que l’incident était une tentative d’assassinat menée par des policiers et des militaires armés contre lui. Selon Théophile Ntirutwa, l’homme décédé dans le magasin, Théoneste Bapfakurera, a été confondu avec lui en raison de la similitude de leurs prénoms. Les trois co-accusés de Ntirutwa, Frodouard Hakizimana, Francine Mukantwari et Jean Bosco Rudasingwa, ont été acquittés.

Même si ses allégations étaient fausses, sa condamnation et sa lourde peine violent le droit relatif aux droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Partager de fausses informations ne constitue pas en soi un motif légitime pour criminaliser la liberté d’expression. Le gouvernement rwandais utilise régulièrement cette disposition du Code pénal pour poursuivre les membres de l’opposition, les critiques, et même les réfugiés qui ont manifesté contre les réductions de rations alimentaires. Le Rwanda devrait immédiatement abroger cette disposition et réviser le Code pénal conformément aux normes internationales et régionales en matière de droits humains.

Ces dernières années, plusieurs membres de Dalfa-Umurinzi – anciennement les Forces Démocratiques Unifiées (FDU-Inkingi) – ont déclaré qu’ils avaient été détenus au secret, battus et interrogés sur leur appartenance au parti.

Congo, les miliciens du M23 à la solde du Rwanda suspectés d’un massacre