Nouvel ambassadeur de France à Kigali, Antoine Anfré avait été sèchement rappelé en 2015 de son poste à Niamey, à la demande de l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, à qui son « camarade » de l’Internationale socialiste, François Hollande, n’avait rien à refuser.
L’histoire sait parfois jouer des tours surprenants : François Hollande a quitté l’Elysée ; Mahamadou Issoufou n’est plus président du Niger et Laurent Fabius n’est plus le patron de la diplomatie française. En juillet 2015. Le trio avait brutalement évincé Antoine Anfré de son poste d’ambassadeur de France à Niamey. Au motif que le diplomate avait une trop grande proximité avec l’opposition nigérienne.
En vérité, il était reproché à M.Anfré d’avoir reçu des opposants d’Issoufou. Ce que faisaient, sans s’en cacher, ses homologues américain, allemand ou l’ambassadeur de l’Union européenne. Pour attester de son amitié avec Hollande, l’ancien président nigérien avait donc demandé et obtenu avec une grande facilité le départ de M. Anfré alors qu’il n’a pas encore bouclé deux années au Niger. Une période bien inférieure au mandat habituel d’un ambassadeur de France à son poste qui varie entre trois et quatre années.
Complaisance totale du pouvoir français
L’ordre de virer Antoine Anfré venait certes de l’Elysée, mais le Quai d’Orsay n’a rien fait non plus pour défendre l’ambassadeur de France à Niamey. Avant même le rappel de l’ambassadeur Antoine Anfré, les équipes de Laurent Fabius s’étaient installées dans une politique de complaisance totale envers le régime de Mahamadou Issoufou. Les télégrammes diplomatiques venant de Niamey pour alerter Paris sur les atteintes aux libertés individuelles, les menaces contre les acteurs de la société civile et les journalistes étaient ainsi à peine lus avant d’être mis sous le boisseau. Depuis, les temps ont changé, Emmanuel Macron a remplacé François Hollande et Laurent Fabius a quitté le Quai d’Orsay pour le poste moins exposé de président du Conseil constitutionnel.
Adoubement de Kagamé
Pour un ambassadeur de France, le rappel à Paris, surtout avant la fin de la mission, est toujours une épreuve voire un drame personnel. Antoine Anfré l’a vécu avant de rebondir de très belle manière avec sa désignation le 12 juin comme nouvel ambassadeur de France au Rwanda. A Kigali, l’ancien « paria » du trio Hollande-Issoufou-Fabius va rouvrir le bureau de l’ambassadeur de France fermé depuis 2015. Signe de l’importance de l’identité de l’ambassadeur de France au Rwanda, le président Paul Kagamé a réuni samedi dernier l’ensemble de son gouvernement pour se prononcer sur la désignation d’Antoine Anfré. L’acceptation de ce diplomate français a été d’autant plus facile que les Rwandais connaissent bien M. Anfré. Alors simple « rédacteur géographique » au Quai d’Orsay, le nouvel ambassadeur de France avait tiré dès 1991 la sonnette d’alarme sur les dangers d’un soutien aveugle de la France au régime du président Juvénal Habyarimana. Ce diplomate, passé par l’ENA et Sciences Po, qui a déjà servi à l’ambassade de France à Nairobi, au Kenya, avait pourtant été évincé de la direction des affaires africaines et malgaches (DAM) du Quai d’Orsay pour ses mises en garde contre les risques de graves dérives au Rwanda. L’histoire lui a finalement donné raison, comme le souligne le Rapport de la commission Duclert établi par un groupe d’historiens français. Loin de l’amertume laissée par sa brutale éviction de Niamey, Antoine Anfré arrive à Kigali dans l’euphorie de la normalisation entre la France et le Rwanda après 25 années de brouille alimentée sur le rôle trouble de la France pendant le génocide de 1994.
Le président Emmanuel Macron s’était rendu le 27 mai dernier à Kigali pour sceller les retrouvailles franco-rwandaises. Antoine Anfré prend sa suite dans la capitale rwandaise pour assurer que la page de la mésentente est bel et bien tournée.