L’archipel des Seychelles a vécu au rythme du Festival Kreol tout au long du mois d’octobre.Cette 38e édition vise à unir les pays créolophones et à garder intacte la langue créole.
Vel MOONIEN
Que ce soit sur l’île principale de Mahé ou les « îles intérieures » que sont La Digue et Praslin, les célébrations étaient axées sur l’art de vivre, la cuisine et la culture créole sous toutes les formes. L’événement, qui est à sa 38e édition, vise surtout à unir les pays créolophones et à garder intact le Créole, une langue qui varie d’île en îles, que ce soit dans les Caraïbes ou l’océan Indien.
Le coup d’envoi des activités, qui se sont concentrées entre le 26 et le 31 octobre, a été donné sur Praslin, la deuxième île la plus peuplée des Seychelles. Un « villaz kreol » tenu tout au long de la semaine dernière à Victoria, la capitale, a vu un étalage de produits artisanaux à partir de coquillages et de noix de coco ainsi que des « manzay » – mets traditionnels à prononcer comme manzaille – tel l’inévitable « bouden » – boudin – qui se marie allègrement au « gro manze » – manioc et patates.
Le samedi précédent, « Lafoli Lanmod » – « La folie de la mode » – a été l’occasion pour de jeunes stylistes de mettre en avant leurs talents au Domaine de Val des Près, une maison coloniale de la fin du XIXe siècle au village d’Au Cap. Remplaçant le précédent « Fon Lanmal » – « Le fond de la malle », la créativité a été le maître-mot de ces jeunes âgées entre 18 et 33 ans, dont les plus jeunes sont à leur première année d’études à l’institut local de stylisme.
Le « Pti Finn » de dimanche dernier a été l’occasion pour les Seychellois et les touristes d’apprécier un mariage traditionnel créole au Domaine de Val des Près. C’est un couple sud-africain qui s’est prêté au jeu. Les lieux transformés en village artisanal ont aussi servi de « bazar » samedi dernier. Des produits fabriqués à partir des feuilles de cocotiers, voire des essences distillées à partir des fameuses coco-fesses étaient offerts aux visiteurs.
Le Domaine de Val des Près avait aussi accueilli deux semaines plus tôt l’incontournable « Batenm Poupet » où des enfants, de même que des adultes souhaitant se rappeler leur enfance, ont fait baptiser leurs nouvelles poupées. Un faux prêtre appelé à officier à la cérémonie, mais en a profité pour faire un sermon sur les grossesses précoces, un phénomène grandissant aux Seychelles et qui est néfaste pour la société, les pères se défilant souvent face à leurs responsabilités.
Une compétition de film en créole était la nouveauté cette année. Un débat lors de la « Lazournen Letid Kreol » a mis en évidence les similarités entre le créole parlé aux Seychelles et celui dans les autres îles. Cela a été l’occasion pour une chercheuse de l’Institut sur la langue et la culture créole de l’université des Seychelles, Cindy Moka, de dénoncer le déplacement des habitants de l’île Silhouette, la 3e plus grande des « îles intérieures ».
Comparant les habitants à ceux de l’archipel des Chagos, elle explique qu’ils ont été forcés à s’installer à Mahé après la construction d’un hôtel 5 étoiles il y quatre décennies. La création d’un parc marin autour de l’île qui a l’une des biodiversités les plus riches dans la partie orientale de l’océan Indien oriental a été actée en 1987. L’île a finalement été décrétée parc national sur 93 % de sa superficie. De 255 personnes, la population est de 10 personnes âgées.
Pour Cindy Moka, c’est perte du patrimoine culturel de cette communauté unique, comme la danse « tinge » (à prononcer tine-gai) qui est une autre forme du « moutya », une danse traditionnelle des Seychelles. La perte du patrimoine culturel se fait désormais chez les jeunes de l’élite. Fréquentant des « écoles internationales », ils parlent presque essentiellement l’anglais, ne sachant ni parler, ni écrire le créole.
Le « moutya » et « laserenad », de même que des « bal kreol » ont été organisés à plusieurs des événements, notamment aux sons d’un accordéon et d’un violon, entre autres instruments. Le festival a culminé ce mardi 31 octobre par un « bal bobes », un bal populaire, au « Stad Popiler », à Roche Caïman, où robes et chemises aux couleurs tropicales étaient de sortie. Hormis la musique traditionnelle, une soupe et de l’alcool local sont servis aux alentours de minuit.
Emmanuel d’Offay, le directeur de l’agence « Creative Seychelles » qui est derrière le Festival Kreol, rêve déjà d’une organisation à l’image du Commonwealth, voire de l’OIF, qui regroupera les pays créolophones.
C´est doux de rêver comme le fait le patron de l´agence ´ Creative Seychelles ´ d´autres réalisent…l´initiative pour l´inscription des cultures créoles au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO est en route depuis février 2018. Marc.lints@outlook.com