Quand Amedeo Modigliani rencontre l’Art africain

Modigliani Amedeo (1884-1920). Paris, musée de l'Orangerie. RF1960-44.

Amedeo Modigliani (1884-1920) rencontre à Paris en 1914 par l’intermédiaire du poète Max Jacob, Paul Guillaume, jeune marchand de 23 ans qui vient d’ouvrir sa galerie où il expose des sculptures africaines et océaniennes avec des tableaux modernes. Au Musée de l’Orangerie à Paris, une exposition est consacrée aux « débuts d’Amedeo Modigliani inspirés par l’art africain »

Une chronique de Caroline Chaine

Artiste fang, Gabon Masque XVIIIème siècle Bois, fromager 49 x 23 x 12 cm Avignon, musée Angladon, collection Jacques Doucet ©Fondation Angladon-Dubrujeaud

Modigliani et Paul Guillaume partagent un même gout pour les arts extra occidentaux dont Guillaume est un des premiers à les considérer comme des œuvres d’art à part entière. Arrivé d’Italie en 1909, Modigliani fréquente le musée d’ethnographie du Trocadéro et y découvre l’art égyptien, khmer et africain et sous l’influence du sculpteur roumain Brancusi se consacre à la sculpture.

La femme au ruban de velours

Paul Guillaume l’encourage à devenir peintre. Il lui loue un atelier à Montmartre et devient son marchand. Modigliani abandonne alors ses tètes aux  formes simplifiées, angulaires ou allongées  (Tête de femme  de femme, 1911-1913, Sculpture en calcaire), mais elles continueront à inspirer ses portraits (La femme au ruban de velours vers 1915) avec leurs traits purs et stylisés et leur « visage masque ».

Des « sculptures nêgres » 

En 1916 à l’occasion d’une soirée de l’association Lyre et Palette où on expose une collection appartenant à Paul Guillaume, Guillaume Apollinaire rapporte  dans la revue Les Arts à Paris que « c’est la première fois que l’on expose à Paris, non pour leur caractère ethniques ou archéologiques, mais pour leur caractère artistique des sculptures négres, fétiches d’Afrique ou d’Océanie ». 

Artiste kota Gabon Élément de reliquaire Mbulu-ngulu

25 sculptures sont exposées  avec entre autres un dessin de Matisse, un Violon et une Guitare de Picasso et une quinzaine de toiles et de dessins de Modigliani. Lors de cette soirée, Modigliani rencontre Léopold Zborowski qui deviendra son nouveau marchand. Dans sa biographie de Paul Guillaume, Sylphide  de Daranyi (Paul Guillaume. Marchand d’art et collectionneur (1891-1934), Biographies, Flammarion, 2023)  précise « Guillaume accepte de lui céder. Il s’est peut être lassé du caractère instable de Modigliani et préfère se choisir un intermédiaire avec lui ».

Amedeo Modigliani (1884-1920) Tête de femme

Modigliani commence alors la série des nus féminins. Paul Guillaume continuera  cependant à lui acheter des toiles, en particulier pour le grand collectionneur américain Albert C. Barnes  dont il devient le conseiller pour sa Fondation à Philadelphie aux Etats Unis. Au total une centaine de toiles, une cinquantaine de dessins et une douzaine de sculptures de Modigliani passeront par lui.  Apres son décès, sa veuve Juliette, dite Dominica, craint que l’héritage ne lui échappe si elle n’a pas d’enfant. Elle simule alors une grossesse puis accueille un bébé et après moult péripéties amoureuses et judiciaires, vends à l’Etat français en 1959 et 1963 la « Collection Walter Guillaume », un peu remaniée par rapport à celle que son mari lui avait laissée.  Elle s’est séparée de certaines œuvres pour acheter des impressionnistes mais a conservé les Modigliani.

On y retrouve Picasso, Le Douanier Rousseau, Derain, Matisse, … mais aussi un ensemble de sculptures d’Afrique et d’Océanie aujourd’hui installées de manière permanente au musée de l’Orangerie à Paris à coté des Nymphéas de Monet. Les 22 peintures, 8 photos, 8 sculptures présentées dans l’exposition sont toutes passées entre les mains de Paul Guillaume.