Sorti le 16 mars 2022 en France, puis diffusé le 11 décembre 2023 par la chaîne de télévision Franco-Allemande ARTE, ce documentaire du réalisateur belge Thierry Michel, fin connaisseur de la République Démocratique du Congo, n’est pas facile à regarder, tellement il est estomaquant.
Une critique de Mateo Gomez.
Pourtant, le documentaire est de qualité. Retraçant l’Histoire des violences dans le pays de 1994, lorsque le génocide Rwandais déborde de l’autre côté de la frontière, jusqu’à l’élection en 2019 du président Félix Tsishekedi, aujourd’hui en poste, le film présente une bonne narration, de belles images, et des bon choix musicaux. Il narre habilement les deux guerres du Congo (1996-1997 et 1998-2003), la guerre du Kivu (2004 jusqu’à aujourd’hui) et les changements à la présidence parmi d’autres transformations politiques dans le pays, de Mobutu à Tshisekedi. Mais cette fresque politique ne sert que de contexte, de toile de fond au drame humanitaire, au “témoignage contre le silence” que le réalisateur veut présenter.
Meurtres, massacres, viols
Car la pièce centrale de ce documentaire, c’est bien les meurtres, les massacres, les exactions, les viols, la torture, la cruauté commises, et l’impunité qui co-règne avec. Les belles images du fleuve Congo et de la jungle équatoriale sont contrastées à des images de cadavres jonchés par terre ; des insectes qui s’y attaquent ; de colonnes de réfugiés qui meurent de faim, claudiquant sur une route de terre ou alors entassés dans des wagons ; de miliciens qui tuent des blessés ; de crises de larmes ; et vers la fin, de deux envoyés spéciaux de l’ONU qui se font assassiner brutalement dans la jungle.
Chaque scène est plus terrible que la précédente, et réalise à merveille son objectif premier : montrer au monde la brutalité et la cruauté absolues qui sévissent en RDC, et qui n’ont pas de fin.
Une note d’espoir
Que ce soit des experts de l’ONU désabusés ou des congolais impuissants, tous démontrent à leur manière que les deux côtés, gouvernements et rebelles, font preuve d’une égale violence traumatisante, et que l’impunité et le silence sont maîtres, avec des anciens rebelles qui rejoignent le gouvernement et des officiers criminels toujours en poste – et peu de gens au tribunal ou en prison, peu importe qui est à la tête du pays.
Thierry Michel tente de laisser une note d’espoir, et parle des manifestations, de la parole qui se libère, des déclarations et témoignages que le gouvernement consigne, et des plaidoyers à l’international. Mais face aux visages endeuillés et aux larmes, ainsi qu’aux terribles images, il est difficile de se sentir mieux – car l’empire du silence a encore de beaux jours devant lui. Un documentaire recommandé pour tous ceux qui n’ont qu’une idée abstraite de la violence inouïe dans la région, et qui souhaitent mettre des mots et des images sur celles-ci.