Dans le Turbine Hall de la Tate Modern à Londres, le sculpteur africain El Anatsui présente « Au-delà de la lune rouge », ce qu’il définit comme « des sculptures aux formes non définitives » qui évoquent le passé et le présent du continent africain et ses liens avec l’Occident. Des relations humaines de pouvoir, d’oppression et de survie.
Notre envoyée spéciale à Londres, Caroline Chaine
La Tate Modern est le grand lieu d’art contemporain d’Angleterre, ancienne centrale électrique des années 1890 devenue musée en 2000. Depuis, ce lieu prestigieux expose les plus grands artistes internationaux dans son spacieux Turbine Hall.
El Anatsui est né en 1944 au Ghana. « Le sucre de la marque Tate and Lyle était le seul que l’on utilisait dans mon enfance sur La Gold Cost. J’ai fini par comprendre que cette industrie venait du commerce transatlantique et des mouvements des biens et des personnes ».
Étudiant puis enseignant au Nigeria, il y installe son atelier avec de nombreux collaborateurs. Il se fait une réputation internationale avec ses drapés de milliers de capsules d’aluminium de bouteilles d’alcool recyclées de couleurs différentes, aplaties et associées entre elles par des fils de cuivre. Les capsules racontent l’histoire de l’esclavage, une industrie créée pour les routes coloniales entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Ses tentures-sculptures souples et solides rencontrent un succès international et dés 1990 il expose à la Biennale de Venise.
Une exposition en trois actes.
Acte I La lune rouge.
La grande tenture rouge est comme une voile qui flotte dans l’espace au rythme du vent. C’est celle des bateaux du trafic d’esclaves où les navigateurs dans l’atlantique se repéraient sur la lune qui devenait rouge lors des éclipses. Les esclaves africains étaient emmenés en Amérique sur les plantations de sucre qui transformé en alcool était exporté en Europe puis en Afrique de l’Ouest.
Acte II Le monde
Des grappes humaines en mouvement suspendues dans l’air qui d’un certain point de vue évoquent la terre. C’est à la fois le mouvement et la migration des peuples sur terre qui peuvent aboutir a de nouvelles identités et à des expériences collectives.
Acte III Le mur
Une tenture monumentale noire évoque un mur construit au Togo par le Roi Agokoli au XVII eme siècle pour oppresser une partie de ses sujets. Pour El Anatsui, « un mur pour cacher des choses. Il provoque de la curiosité et la curiosité et l’imagination peuvent vous emmener de l’autre coté ». C’est aussi la couleur associée au continent africain et à sa diaspora. Le drapé mouvementé comme de puissantes vagues renvoie aussi à « un choc des différentes cultures et à des identités hybrides. »
« Lorsque j’ai commencé a faire des œuvres abstraites, j’y ai vu la liberté et le défi que cela posait. Votre œuvre n’est pas contributive si vous copiez ce qui a déjà été fait. L’art africain peut sortir du cadre de l’art africain traditionnel, en utilisant notamment des codes occidentaux et chaque matériau a ses propriétés, physiques et même spirituelles. »