C’est sur une façade d’un des austères bâtiments de l’hôpital Necker-enfants malades, que l’artiste de street art Vinie Graffiti vient de peindre sa dernière œuvre monumentale, offertes à l’association Im’Pactes, dédiée à l’enfance victime de violences domestiques. Des adolescents pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance ont participé à la réalisation de cette fresque.
Norbert NAVARRO
Ils s’appellent Gabriel, Kenza, Inès, Ambrine, Océane, Etienne, Mehdi, Lympé, Pernelle, Dounia, Oumou, Amina, Tyfenn, Jacinthe, Dov, Céline, Kayque ou Léa ; ils sont encore tous mineurs ; mais contrairement aux usages de la rédaction, leur prénom, ici, n’a pas été modifié. Car changer leur identité aurait été ajouter de la peine à leur sort quand ils liront cet article consacré à la création d’une œuvre à laquelle ils ont contribué et dont ils peuvent être fiers : une fresque monumentale. Laquelle, de toute sa fraicheur, domine désormais l’hôpital Necker, à Paris.
En passant par Dakar
Peinte par l’artiste d’art urbain Vinie Graffiti, dont les œuvres ont illuminé les murs de villes du monde entier – dont Dakar, il y a une dizaine d’années, lors du festival Festigraff, organisé par l’artiste sénégalais Amadou Ngom, plus connu sous le nom de Docta -, cette fresque d’une vingtaine de mètres de haut a été imaginée par ces ados, placés par la justice sous la protection de l’Aide sociale à l’enfance, à la suite de violences domestiques dont ils se remettent avec le très actif concours de la formidable association Im’Pactes, dédiée à la protection de l’enfance, présidée par le docteur Céline Gréco, chercheuse, cheffe de service à l’hôpital Necker-enfants malades, spécialiste de la douleur et des soins palliatifs.
C’est un beau cadeau que Vinie Graffiti a ainsi fait à ces enfants comme aux riverains de l’hôpital Necker. Suspendue huit jours durant à son harnais, bravant les éléments à quarante mètres de hauteur, bombes de peinture en main, elle a tourné une morne façade en œuvre d’art. Auparavant, les ados avaient participé au choix de la maquette. Ils en ont parlé, ont voté, opté pour une image d’enfance, eux qui ont vu la leur abimée dans l’anonymat familial et qui, avec courage et dignité, tentent de se reconstruire au sein de familles d’accueil.
Combien sont-ils, ces enfants victimes ?
Selon le magistrat Edouard Durand, 160 000 enfants sont, chaque année, sexuellement violentés, en France. C’est l’ahurissant constat que dresse ce juge intègre qui, trois ans durant, présida la Ciivise, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, avant d’en être chassé par le gouvernement. Incompréhensible limogeage qui aura finalement raison de Ciivise, plongée depuis dans une crise sans fin du rien entendre, rien voir et, surtout, rien dire.
Familial d’abord, étatique ensuite, ce déni dénoncé sans relâche par le juge Durand a bien failli avoir raison de Céline Greco. Les sévices dont elle a été victime de la part de son père, qui entendait à coups de ceinture faire d’elle une pianiste virtuose (et qui, pour ces faits de violences habituelles sur mineur de moins de quinze ans et de violences aggravées, fut condamné par la justice à deux ans de prison avec sursis, deux ans de mise à l’épreuve et trois ans d’injonction de soins), la présidente d’Im’Pactes les a rapportés dans son livre, La démesure, soumise à la violence d’un père, publié en 2012 sous le pseudonyme de Céline Raphaël (ed. Max Milo).
Mais au-delà ? Combien sont-ils, dans le monde, ces enfants-martyrs, éclopés de la vie, victimes tout à la fois de la folie meurtrière des adultes et de l’omerta régnant au sein de sociétés bien décidées à cacher ce qu’elles ne sauraient voir ? En Afrique, quels sont les pays qui respectent la Convention des Nations-Unies sur les droits de l’enfant ? Lesquels s’en soucient vraiment ? Si monumentale soit-elle, aucune fresque au monde, fut-elle de la talentueuse Vinie Graffiti, ne serait assez vaste pour apporter l’espoir à ces enfants victimes de conflits et que l’Europe-forteresse, qui dans ce domaine, n’a aucune leçon à donner au reste du monde, refoule quand ils osent -quelle folie ! – tenter de fuir l’enfer. C’est à eux, aussi, que Mondafrique a tenu à dédier cette image de fillette sur sa balançoire échangeant avec un oiseau. Simplement.
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