Cent quarante créations du créateur tunisien Azzedine Alaïa sont exposées pour la première fois au Palais Galliera à Paris jusqu’au 21 janvier.
Une chronique de Caroline Chaine
Azzedine Alaïa (1935-2017), arrivé à Paris en 1956 de sa Tunisie natale, en fut à la fois un virtuose et un collectionneur secret avec plus de 20 000 pièces. « Depuis de nombreuses années, disait il j’achète et je reçois les robes, les manteaux, les vestes qui témoignent de la grande histoire de la mode. C’est devenu chez moi une attitude corporative de les préserver, une marque de solidarité à l’égard de celles et ceux qui, avant moi, ont eu le plaisir et l’exigence du ciseau. C’est un hommage de ma part à tous les métiers et à toutes les idées que ces vêtements manifestent. »
Elevé par ses grands parents à Tunis, le jeune Azzedine entre à 15 ans à l’école des Beaux-Arts de Tunis. Sa sœur lui apprend à coudre et propose à la riche clientèle tunisienne de reproduire des modèles des grands couturiers parisiens vus dans les magazines. Arrivé en 1956 à Paris pour un stage chez Christian Dior où il restera quatre jours, Simone Samama Zehrfuss, tunisienne et mariée au grand architecte Bernard Zehrfuss lui ouvre son carnet d’adresse. Ce fut un succès immédiat dans la société parisienne.
Avec Louise de Vilmorin, le créateur apprend « ce qu’étaient l’élégance et le style ». Dans les années 1960, il travaille pour Saint Laurent, Guy Laroche, Thierry Mugler, … et crée sa maison de couture en 1964.
La haute couture, un art
Lorsqu’en 1968, l’espagnol Cristobal Balenciaga décide de fermer sa maison de couture à Paris « ne se retrouvant plus dans la nouvelle génération qui prône alors l’avènement du prêt-à-porter. Mademoiselle Renée qui gouverne la maison, l’invite à venir chercher des tissus et des robes dont il pourrait éventuellement se servir pour son propre compte » comme le relate Olivier Saillard, directeur de la Fondation Azzedine Alaïa. Il appréciait les talents d’abstraction et de légèreté du maitre et les archives des maisons étaient alors considérés comme des stocks invendus.
Ainsi commence sa collection. Il est fasciné par la virtuosité de Madeleine Vionnet, couturière des années 20/30, et de Madame Grès. Des architectes aussi ou des sculpteurs aussi qu’il rencontre et dont il partage le goût de la technique et la maitrise de la coupe.
Il y a aussi Paul Poiret qui libère en 1910 les femmes du corset, Chanel qu’il considère comme visionnaire avec sa robe noire et ses tailleurs en tweed, Jeanne Lanvin pour son élégance, Jean Patou pour ses combinaisons variables, Carven pour sa simplicité, Elsa Schiaparelli pour son coté surréaliste, l’américaine Claire McCardell pour un stylisme moderne. A cela s’ajoute 500 modèles de la maison Christian Dior avec ses successeurs Yves Saint Laurent, Marc Bohan, John Galliano. Et aussi Balmain, Dessés, Nina Ricci, Molyneux, Jean Patou, Paul Poiret, et un fond plus contemporain, Vivian Westwood, Issey Miyake, Yohji Yamamoto, … Une collection internationale depuis la création de la haute couture à la fin du XIX eme siècle dont il est aujourd’hui gardien. Lui qui inventa un nouveau style aimait redire « Je n’aime pas les gens qui oublient d’où ils viennent. »