La lecture de la presse internationale, cette semaine, nous donne un tout autre éclairage que celui des medias français sur la situation pour le moins complexe que traversent les pays du Moyen Orient confrontés aux initiatives quotidiennes de la Maison Blanche et en butte à une fragmentation communautaire plus forte que jamais. Ainsi pour le New York Times, le nouveau pouvoir islamiste syrien est ébranlé par de violents affrontements avec des partisans de l’ancien régime, ce qui ouvre la porte à l’instabilité dans ce pays ravagé; toujours selon le grand quotidien américain ainsi que pour le Wall Street Journal, les Etats-Unis négocient directement avec le Hamas la libération de nouveaux otages; toujours pour la presse internationale, la Turquie dont la diplomatie reste fort active en Afrique aussi aide secrètement l’armée soudanaise, révèle le Washington Post; et la Russie enfin exploite le manque de clarté de l’administration Trump pour se rapprocher du nouveau régime syrien pour tenter de retrouver ses marques après l’écroulement du régime de son ami et allié le président Assad.
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Les partisans de l’ex président Assad relèvent la tète
Alors que 70 personnes ont été tuées dans la nuit du 6 au 7 mars lors de sérieux accrochages entre nostalgiques du régime déchu de Bachar al-Assad et forces du nouveau gouvernement d’Ahmad al-Shara, le New York Times se demande si ces combats augurent d’une nouvelle phase potentiellement dangereuse pour la Syrie, trois mois après la chute de la dictature : « si les forces gouvernementales agissent de manière disciplinée, elles pourraient réussir à ramener le calme et s’assurer d’un soutien de la population », estime, dans les colonnes du quotidien, le chercheur du « Middle East Institute » de Washington, Ibrahim al-Assil. Mais, ajoute-t-il, « si des éléments incontrôlés [du nouveau régime] s’engagent dans des opérations revanchardes contre les locaux, la situation pourrait dégénérer en affrontements intercommunautaires, sources de déstabilisation supplémentaire » d’un pays ravagé.
Les combats avaient commencé jeudi après midi après une opération menée par les forces de sécurité du nouveau régime qui cherchaient à « arrêter un fonctionnaire du gouvernement al-Assad » dans la région de Latakia, – fief de la communauté minoritaire des Alaouites, secte chiite à laquelle appartenait l’ancien « Raïs » détrôné-, a confié au « NYT » un officiel qui a requis l’anonymat.
« Des éléments de l’ancien régime essaient de tirer avantage des limites des capacités militaires du gouvernement syrien dans le but de faire dérailler la transition politique », analyse de son côté, dans le Wall Street Journal, la chercheuse Lina Khatib, associée au think tank « Chatham house ». Et le quotidien de résumer ainsi les enjeux auxquels est confronté le nouveau pouvoir : « Ces développements s’ajoutent à une série d’autres défis sécuritaires et politiques pour le gouvernement de l’ancien leader rebelle Ahmad al-Shara qui s’efforce de négocier avec des combattants kurdes contrôlant une partie du nord-est syrien tandis qu’il lui faut également compter avec les exigences israéliennes d’une démilitarisation de la partie sud de la Syrie. »
Les Etats-Unis négocient directement avec le Hamas la libération de nouveaux otages
selon deux officiels israéliens, une source occidentale et un diplomate, cités sous le sceau de l’anonymat par le New York Times dès le mercredi 5 mars, « les Etats-Unis et le Hamas ont entamé des pourparlers au Qatar, rompant avec une longue tradition américaine de refuser de prendre langue avec des groupes désignés [par Washington] comme terroristes ».
D’après une source diplomatique contactée par le quotidien new yorkais, l’envoyé spécial du président Trump pour les affaires d’otages, Adam Boehler, « a participé à ces discussions qui se sont tenues la semaine dernière au Qatar. Ces pourparlers se sont focalisés sur la libération de l’otage israélo-américainEdan Alexander ainsi que la remise des corps de quatre autres otages, également israélo-américains, qui avaient été kidnappés lors des attaques du 7 octobre 2023 ».
Jusqu’à présent, souligne le « NYT », « les responsables américains, tout comme leurs homologues israéliens, se sont toujours appuyé, [lors des négociations], sur des intermédiaires comme le Qatar et l’Egypte plutôt que de s’asseoir autour d’une table avec des leaders du Hamas ».
Sur le même sujet, le Wall Street Journal remarque que « Netanyahu n’a pas été informé de ces discussions avant qu’elles ne débutent “et écrit que le Premier ministre israélien a été pris par surprise », comme l’a confié une source israélienne bien informée. Une autre source, également citée par le « WSJ », remarque pour sa part que si « Trump arrivait à faire libérer des otages américains mais pas des citoyens israéliens [c’est-à-dire ne possédant pas la double nationalité], la nouvelle pourrait s’avérer embarrassante pour le chef du gouvernement » de l’État hébreu.
La Russie exploite le manque de clarté de l’administration Trump pour se rapprocher du nouveau régime syrien
après avoir soutenu la dictature des al-Assad durant des décennies puis accueilli Bachar, le dernier despote de la « dynastie » , après sa fuite de Damas le 7 décembre dernier, la Russie s’efforce de se rapprocher de l’actuel gouvernement islamiste, explique, mercredi, le Wall Street journal dans un rapport qualifié d’ « exclusif » en bandeau de « Une ».
Soucieux de conserver une présence dans la région et de conserver ses bases navales de la côte méditerranéenne de Syrie, Moscou vient de donner des signes « concrets du réchauffement entre [la Russie et la Syrie] : le mois dernier l’équivalent de 23 millions de dollars en billets de banque, imprimés en Russie, a été envoyé à Damas à destination de la Banque centrale alors que l’économie manque cruellement d’argent liquide », rapporte ainsi le « WSJ ».
« Cet apport de liquidités a eu lieu alors que le Qatar et l’Arabie saoudite n’ont pas débloqué l’envoi de millions de dollars promis au nouveau régime car ces pays attendent que Washington clarifie sa position à propos d’une éventuelle levée des sanctions contre les anciens djihadistes [au pouvoir à Damas] », contextualise le quotidien.
Les pays arabes adoptent un plan alternatif à celui de Trump pour l’avenir de Gaza ; la Maison Blanche s’y oppose.
Le Financial Times rapporte que « les pays arabes ont adopté un plan pour l’établissement d’une administration à Gaza et sa reconstruction dans le but de fournir une alternative à la proposition de Donald Trump consistant à vider l’enclave de ses habitants et de laisser les Etats-Unis s’en emparer ». Le « FT » ajoute que ce plan, « approuvé par un sommet de la Ligue arabe au Caire, mardi, prévoit que Gaza soit gouverné durant la phase de transition par un comité composé de technocrates palestiniens non affiliés politiquement ».
Le plan a été aussitôt « démoli » par la Maison Blanche, ajoute immédiatement le quotidien londonien, « un porte-parole ayant déclaré que ce projet ne prend pas en compte la réalité de Gaza qui est pour l’instant inhabitable et dont la population ne peut pas vivre dans des conditions décentes au milieu des débris et des bombes non explosées ».
La Turquie aide secrètement l’armée soudanaise, révèle le Washington Post
Scoop du grand quotidien de la capitale des Etats-Unis : selon des documents que le journal affirme avoir vérifiés, une firme d’armements turque nommée « Baykar » – et dont l’un des PDG n’est autre que le gendre du président turc Recep Tayyip Erdogan- a fourni secrètement depuis des mois des drones et des missiles à l’armée soudanaise. Ces documents révèlent, « en une série de détails les plus frappants, comment une compagnie de fabrique d’armes turque étroitement liée au plus haut niveau [de l’état ] a contribué à jeter de l’huile sur le feu d’une guerre civile qui dure depuis 22 mois et a provoqué, ainsi que l’affirme l’ONU, la plus grande catastrophe humanitaire actuelle dans le monde ». Les mêmes documents, ajoute le journal, « montrent aussi comment les industries de défense de Turquie ont en réalité bâti des liens avec les deux parties adverses du conflit »…
Au Soudan, cette guerre civile oppose deux factions militaires rivales dirigées par les deux hommes à l’origine du putsch d’octobre 2021 : d’un côté, les Forces armées soudanaises (SAF), dirigées par le général Abdel Fattah al-Burhan, de facto au pouvoir après le putsch, de l’autre les « rebelles » des Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti ».`
Tom Fletcher, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence affirmait en effet récemment que « le Soudan est le théâtre d’une urgence humanitaire d’une ampleur effroyable ».
Le « WP » ajoute par ailleurs que les « envois d’armes par Baykar à l’armée soudanaise apparaissent comme une claire violation de plusieurs sanctions imposées par les Etats-Unis et l’Union européenne, illustrant ainsi les risques que prend cette compagnie turque dans sa tentative d’étendre son influence en Afrique ».