Le Liban a réussi enfin à former un nouveau gouvernement qui se réunira le 11 février et qui a ,étéformé sous pression internationale, notamment américaine. Excluant pour la première fois depuis vingt ans les alliés chrétiens du Hezbollah et bordurant les prérogatives des ministres du Hezbollah et d’Amal, la nouvelle équipe suscite l’espoir d’un changement malgré le scepticisme qui demeure chez les Libanais face à l’ampleur des défis à relever.
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Le samedi 8 février 2025, veille de la Saint-Marron, le Liban a été secoué par une nouvelle tant attendue : l’annonce à 16h de la formation d’un gouvernement de 24 ministres dirigé par Nawaf Salam. Cet événement, survenu après plus d’un mois d’impasse, est un véritable séisme politique dans un pays épuisé par l’instabilité. Pour la première fois depuis 20 ans, le CPL (Courant Patriotique Libre, parti chrétien fondé par Michel Aoun et allié du Hezbollah), et le Marada (mouvement dirigé par Sleiman Frangié, historiquement proche du Hezbollah), sont exclus de l’exécutif. Derrière cette annonce se cache une recomposition des rapports de force, dont les effets sont encore incertains.
Le site Ici Beyrouth note que ‘ lepremier gouvernement du mandat du président Joseph Aoun reflète le changement qui s’est opéré au niveau de l’équilibre des forces politiques au Liban après la guerre entre le Hezbollah et Israël, l’effondrement du régime syrien et les efforts occidentaux – en particulier américains – et arabes (notamment saoudiens) pour aider le Liban à s’engager sur la voie de la reconstruction d’un État’.
Nos confrères libanais soulignent que our la première fois depuis 2008, le tandem Hezbollah-Amal et ses alliés n’ont pas obtenu le tiers de blocage au sein du gouvernement. La participation du binôme à l’équipe Salam est purement symbolique. Hezbollah-Amal n’ont pas reçu un contrôle total sur le quota chiite. Ils n’ont obtenu que quatre ministères, tandis que le cinquième ministre chiite, Fadi Maki, est considéré proche du Premier ministre désigné.
De plus, le ministre des Finances, Yassine Jaber, ne pourra pas entraver les décisions du gouvernement en raison de certaines garanties. D’ailleurs, la communauté chiite elle-même a besoin du soutien du gouvernement, notamment après les ravages causés par la guerre entre Israël et le Hezbollah.
Un gouvernement sous pression internationale
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Le véritable déclencheur fut la visite de Morgan Ortagus, l’émissaire américaine, chez Nabih Berry. Cette rencontre a contraint les derniers bastions de l’ancienne majorité à lâcher prise. Le « cinquième portefeuille » tant exigé par le duo Amal-Hezbollah ne leur a pas été accordé avec les noms qu’ils voulaient imposer. Pire encore pour eux, ce gouvernement s’est formé sans possibilité de tiers de blocage, une pratique qui leur permettait de paralyser l’exécutif à leur guise.
Ce coup de théâtre semble représenter un revers stratégique pour le Hezbollah, dans un contexte marqué par des évolutions militaires récentes, une recomposition régionale et des pressions diplomatiques américaines et arabes.
Surprise supplémentaire, même le ministre des Finances, poste clé historiquement aux mains du mouvement Amal, a rapidement tenté de désamorcer toute crainte de blocage. Il a affirmé que ce gouvernement était « en place pour réformer et construire » et qu’« aucun ministre ne serait là pour entraver cette marche ». Impensable il y a quelques semaines encore, cela témoigne d’une transformation profonde en cours au sein des structures de pouvoir libanaises.
Ce nouveau cabinet, bien que temporaire puisque des élections parlementaires sont prévues en 2026, est majoritairement composé de personnes hautement qualifiées et proches des Libanais.
Les États-Unis saluent un « tournant historique »
Côté libanais, l’enthousiasme est mesuré. Si le président et le Premier ministre se félicitent de la formation du nouveau gouvernement, la population oscille entre optimisme prudent et scepticisme. Un commentaire ironique résume bien l’ambiance : « Bravo, une étape a été franchie, mais il reste encore tout à faire : appliquer la résolution 1701, régler la question des armes du Hezbollah, tracer les frontières, reconstruire le pays, restituer les fonds des déposants, réformer le système électoral, et bien sûr, résoudre la crise de l’électricité, de l’eau, du gaz et des infrastructures… Autant dire, rien que du quotidien ! » Les défis à venir restent immenses.
Pour certains, cette nouvelle donne suggère que le Hezbollah a perdu de son influence. Avec la fin de sa domination militaire, il ne peut plus imposer ses conditions comme avant.
Nouveau départ ou illusion de changement
Si la formation du gouvernement est un tournant, elle ne garantit pas à elle seule un vrai changement. De nombreux défis attendent l’équipe Salam : réformes économiques, dépôts spoliés, services de base, frontières, état de droit… Le chemin sera long et semé d’embûches. Les vieux réflexes clientélistes ne disparaîtront pas du jour au lendemain.
Alors que le nouveau Conseil des ministres se réunira mardi 11 février au palais présidentiel de Baabda, l’heure est à la prudence. Le Liban a déjà vu trop de promesses non tenues. Mais une page se tourne incontestablement. Reste à savoir si ce gouvernement saura réellement changer la donne ou se heurtera aux mêmes blocages que ses prédécesseurs. L’avenir le dira.