C’est peu dire que le projet d’accord délimitant une frontière entre Israël et le Liban ne fait pas l’unanimité en Israël.
L’opposition de droite, Benjamin Netanyahu en tête, affirme que l’accord est une reddition historique face au Hezbollah et menace de saisir la Cour Suprême pour le casser. L’opposition de gauche affirme haut et fort que cet accord est de la même importance que les Accords d’Abraham signés sous l’égide de Donald Trump entre Israël d’un côté et le Bahreïn et les Emirats arabes unis de l’autre
L’accord qui vient d’être conclu – mais pas encore ratifié – entre Israël et le Liban n’est pas un traité de paix, ni même le tracé d’une frontière solide entre deux pays officiellement en guerre. Il s’agit d’un simple accord de partage de richesses gazières sous-marine dans une zone qui était auparavant disputée par les deux pays.
Jusqu’à l’arrivée de Jo Biden à la Maison Blanche, la question était de savoir comment partager le champ gazier sous-marin de Qana. Fallait-il faire passer la frontière entre le Liban et Israël au milieu du champ, avec une clé de répartition 50-50 (position israélienne) ? Fallait-il un partage inégal 40-60 en faveur du Liban (position libanaise) ? Les discussions s’enlisaient interminablement.
Ô surprise ! Le gouvernement israélien dirigé par Yair Lapid s’est rallié sans rechigner à une autre solution exigée par les Libanais et imposée par les Etats Unis : le champ gazier de Qana passera entièrement sous contrôle du Liban qui disposera d’un monopole d’exploitation. Et pour ne pas donner le sentiment d’un partage inégal, l’accord précise que le champ gazier de Qarish, situé un peu plus au sud, serait exploité par le seul Etat d’Israël.
Or, le champ gazier de Qarish a toujours été considéré comme étant situé dans la zone économique exclusive d’Israël. Accorder la propriété de Qarish à Israël, revient à lui donner ce qu’il possédait déjà.
En réalité, conférer au Liban le contrôle exclusif du champ gazier de Qana n’est pas chose facile quand toutes les parties reconnaissent implicitement que la frontière entre les deux pays, si elle existait au plan international, couperait Qana en deux. « Le gisement de Cana déborde cependant dans les eaux israéliennes » écrit pudiquement Le Monde ». La solution passe donc par « la rétrocession de royalties. Le groupe français TotalEnergies, l’une des sociétés du consortium chargé de l’exploration et de l’exploitation dans la zone libanaise, s’engagerait à compenser Israël en proportion de ses droits minoritaires sur ce champ. Cette formule est discutée à part dans le cadre d’une entente entre Total et Israël, car la partie libanaise ne veut pas donner l’impression qu’elle verse de l’argent à Israël », analyse un observateur étranger » écrit Le Monde.
Quelle est la part minoritaire reconnue à Israël ? Comment un groupe pétrolier français peut-il se voir conférer le droit de négocier une rétrocession sans que l’on sache exactement ou passe la frontière ? Tel est l’un des mystères de cet accord. Selon le journal libanais L’Orient-le –Jour, l’exploitation du champ de Qana ne pourra commencer avant la signature d’un accord entre Total et Israël. Telle serait la petite garantie qu’Israël s’est vue reconnaître.
L’autre mystère est géopolitique. En Israël, l’accord avec le Liban est présenté par le gouvernement actuel comme la mise en place « historique » d’une frontière stable et reconnue au plan international avec le Liban. En d’autres termes, en échange d’un sacrifice économique – renoncer à tout droit d’exploitation du champ de Qana- Israël a obtenu la paix et d’éventuelles royalties, là ou auparavant, il n’y avait que menaces de guerre avec le Hezbollah.
Les réserves du Président Aoun, l’allié du Hezbollah
Il n’a pas fallu longtemps pour déchanter. Lors d’un discours public prononcé le 13 octobre, le président libanais Michel Aoun a annoncé que:
-1 . le Liban ne normalisera en aucun cas ses relations avec Israël.
-2 . le Liban ne reconnaît pas « la ligne de bouée » comme frontière internationale entre Israël et le Liban
La « ligne des bouées » est une juxtaposition de bouées flottantes longue de six kilomètres installées par l’armée israélienne en 2000, pour marquer la séparation entre Israël et le Liban. Cette .
En résumé, l’accord qui a été conclu est un accord purement économique sans conséquences géopolitiques. Combien de temps cet « accord historique » durera-t-il ? Bien malin qui pourrait le dire aujourd’hui.