Petites manoeuvres à Paris en vue de l’élection présidentielle libanaise

French President Emmanuel Macron greets people as he visits the Gemmayzeh neighborhood which has suffered extensive damage due to a massive explosion in the Lebanese capital, on August, 6. 2020. - French President Emmanuel Macron visited shell-shocked Beirut, pledging support and urging change after a massive explosion devastated the Lebanese capital in a disaster that has sparked grief and fury. (Photo by - / AFP) LEBANON-FRANCE-BLAST

La visite à Paris de Sleiman Frangié, candidat soutenu par la Syrie et par le Hezbollah pro iranien, a permis de relancer des  palabres autour du dossier de la présidentielle libanaise. Laquelle n’a pas été bouclée à la fin du mois d’octobre comme prévu, ce qui laisse un Liban au bord de l’effondrement sans réelle gouvernance.

Hélas pour Emmanuel Macron qui a montré un réel engagement personnel en faveur d’une slutio politique au Liban; personne à Beyrouth ne pense aujourd’hui que la France puisse exercer une forte influence dans le choix du futur président, tant les choix de l’Élysée sont fluctuants.

La politique indécise d’Emmanuel Macron, depuis la réussite indéniable de sa  première visite libanaise au lendemain de l’explosion dramatique du Port de Beyrouth, a affaibli considérablement la France au pays du cèdre. Les positions évolutives de la diplomatie française, souhaitant dans un premier temps conclure une alliance objective avec le Hezbollah pour se retourner ensuite contre le mouvement chiite et avant, ces dernières semaines, de prendre position discrètement pour Sleiman Frangié, n’ont pas donné le sentiment que Paris avait une doctrine constante etune véritable hauteur de vues sur le dossier libanais.

Dans la recomposition politique que connait le Moyen Orient,  la France parait relativement absente, sauf à être à la remorque des Émiratis et des Séoudiens, qui sont, eux, au centre des grandes manoeuvres actuelles.

                     Nicolas Beau

L’article du site « Ici Beyrouth »: La France soutiendrait encore le candidat Sleiman Frangié

La visite de Sleiman Frangié à Paris pourrait être une nouvelle et sérieuse tentative de surmonter les obstacles qui entravent son accession à Baabda. La position peu favorable de l’Arabie saoudite à l’idée de voir le chef des Marada accéder à la Première Magistrature est connue de tous. Emmanuel Macron passe pour avoir les meilleures reltions possibles avec le prince héritier saoudien MBS.

D’après des sources proches de la capitale française, cette visite révèlerait que le pays hôte n’a pas abandonné la candidature de Sleiman Frangié. Cependant, il serait impératif de surmonter certains obstacles et de renforcer le nouveau mandat face aux nombreux développements locaux et régionaux en cours. D’autant plus que le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, aurait informé la France qu’il ne soutenait pas la candidature de Sleiman Frangié et aurait proposé un candidat de compromis, l’ancien ministre Jihad Azour.

Levée de boucliers

Il en est de même pour le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, qui a annoncé durant la conférence annuelle du parti son rejet de la candidature de Sleiman Frangié, tout en proposant celle de M. Azour. Pour leur part, les Forces libanaises (FL) ont précédé le CPL en indiquant également leur refus du chef des Marada, mettant en avant la candidature du commandant de l’armée, Joseph Aoun.

En revanche, d’après des sources proches du tandem chiite Amal-Hezbollah, ce dernier serait dans l’attente des résultats de la réunion des députés chrétiens à Harissa. Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a invité, rappelle-t-on, les députés chrétiens à une journée de recueillement qui aura lieu le 5 avril à Harissa (Kesrouan). Le tandem chiite, qui milite toujours en faveur de la candidature de M. Frangié, a demandé à l’autre camp de proposer son candidat, et d’engager un dialogue.

Parallèlement, la cellule de crise en charge du dossier libanais à l’Élysée s’est activée suite à la rencontre franco-saoudienne de Paris qui s’est soldée par un refus saoudien de soutenir la candidature de M. Frangié. L’Arabie saoudite souligne que ce dernier est le candidat de « l’axe obstructionniste », et de ce fait, il serait incapable de mettre en œuvre les réformes requises. En outre, cette cellule française a récemment intensifié ses contacts avec les différentes parties politiques pour aider le Liban à sortir de la crise présidentielle et à surmonter ses répercussions sur le pays.

La visite de M. Frangié à Paris a été précédée d’un contact entrepris par le conseiller du président Emmanuel Macron, Patrick Durel, trois semaines auparavant, au cours duquel des questions liées à l’échéance présidentielle ont été soulevées. Selon des milieux bien informés, les réponses de M. Frangié n’étaient pas assez convaincantes pour la partie saoudienne qui en a pris connaissance lors d’une rencontre bilatérale franco-saoudienne à Paris.

Le déplacement du chef des Marada s’imposait afin de trouver une entente sur d’innombrables dossiers: la relation avec le Hezbollah, le programme de redressement, la relation avec le président syrien Bachar el-Assad qui conditionne une solution pour les réfugiés syriens, la délimitation des frontières terrestres et maritimes, l’arrêt de la contrebande. 

Les propos du chef du bloc parlementaire du Hezb, Mohammad Raad, suivis par ceux du secrétaire général adjoint du parti, Naïm Kassem, tous deux porte paroles autorisés du Cheikh Nasrallah (voir photo) laissent à penser que la formation pro-iranienne fait monter les enchères alors qu’elle ne cessait d’appeler, notamment depuis l’accord de normalisation irano-saoudien, au dialogue pour sortir de la crise.

En parallèle, les dossiers que le chef des Marada devrait éclaircir portent sur les armes du Hezbollah, son rôle et sa position à cet égard, la stratégie de défense et la manière de surmonter les obstacles qui se dressent face à son arrivée à la présidence. Il est important de comprendre comment M. Frangié compte mettre en œuvre le projet de réforme et coopérer avec le Premier ministre et le gouvernement à cet effet, ainsi que la manière avec laquelle il va gérer la nomination des ministres selon leurs compétences et loin de la politique de quotas.

Toutes ces questions, entre autres, étaient donc sur la table de discussion, en plus de sa position par rapport aux constantes et son adhésion aux décisions arabes et internationales, sans compter l’application de l’accord de Taëf et de la Constitution. In fine, il était question de répondre aux préoccupations de l’Arabie saoudite qui refuse de voir se répéter le scenario du Premier ministre Saad Hariri qui l’a convaincue de la candidature de Michel Aoun.

Aucun résultat concret

Suite à cette visite, Paris n’a publié aucun communiqué à ce sujet. Toutefois, des cercles de l’opposition ont divulgué des informations indiquant qu’outre la volonté de dissiper les inquiétudes saoudiennes, cette visite avait également pour but d’informer M. Frangié du fait que les cinq pays (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) qui ont participé à la réunion de Paris consacrée au Liban, le lundi 6 février, ne soutiennent pas son élection, à l’exception de la France, bien que les autres pays ne soient pas encore d’accord sur un autre candidat. Des efforts sont déployés pour obtenir un consensus autour de la candidature de Jihad Azour, qui jouit du soutien de la majorité des forces politiques.

La visite de M. Frangié et l’accueil chaleureux dont il a bénéficié pourraient ainsi dissimuler le souhait de l’informer que sa candidature n’aboutira pas, et que le tandem Frangié-Nawaf Salam ne bénéficie pas du soutien local et régional. Sans compter que les cinq pays réclament un candidat selon le profil et les caractéristiques qu’ils se sont fixés et souhaitent accélérer l’élection d’un président de la République, suite à la demande de l’Égypte de tenir à Riyad une réunion des cinq pays pour finaliser le dossier, surtout après le rapport alarmant du FMI mettant en garde contre l’effondrement du Liban.

Un Président impartial 

Les cinq pays qui se sont réunis à Paris tiennent à hâter les démarches parallèlement à l’initiative du patriarche afin d’organiser une conférence nationale, qui se déroulerait à Riyad, en présence des forces politiques, afin de consolider l’accord de Taëf et sa formule fondée sur la parité entre les chrétiens et les musulmans.

Le but reste d’élire un président impartial et non de désigner un Premier ministre aussi chevronné soit-il et entouré de ministres technocrates sans épaisseur politique.

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