De la révolte des Druzes de Syrie face au nouveau pouvoir à l’escalade entre Israël et le Hezbollah, en passant par le sommet arabe en Arabie saoudite et le retour du Liban dans la sphère régionale, la région s’embrase. Israël, déjà actif militairement, pourrait-il être entraîné dans un affrontement plus large impliquant les pays arabes ?
Les Druzes face aux bouleversements en Syrie
Les Druzes représentent quelque 3 % de la population syrienne. Ils sont principalement concentrés dans la province méridionale de Suwayda, avec des communautés plus petites à Damas, dans sa campagne, à Quneitra et dans le nord d’Idleb
Les Druzes de Syrie traversent une période de plus en plus incertaine, marquée par des tensions internes et des dynamiques régionales complexes. Historiquement fidèles au régime de Bachar al-Assad, ils ont progressivement pris leurs distances, refusant les recrutements forcés et limitant leur engagement militaire à la protection de leurs territoires, notamment à Soueïda. Depuis 2023, des manifestations régulières ont témoigné d’une volonté croissante de changement au sein de cette communauté représentant environ 3 % de la population syrienne.
Dans ce contexte de mutation politique, l’élection d’Ahmad El-Chareh à la présidence de la Syrie a encore accentué ces tensions, renforçant les incertitudes quant à l’avenir des Druzes dans le pays.
Dans un contexte de recomposition politique et militaire, les Druzes, déjà marginalisés, craignent que leurs revendications autonomistes soient balayées par les nouvelles orientations du pouvoir central. La réorganisation des alliances en Syrie, où l’influence de la Russie, de l’Iran et des puissances arabes est plus fluctuante que jamais, remet en question leur position dans le pays. Ils se retrouvent pris en étau entre une autorité centrale en mutation et les ambitions géopolitiques des puissances régionales.
Autonomie, marginalisation et tensions avec Israël
Alors que les Druzes de Soueïda tentent de préserver leur autonomie, cette situation les expose à de multiples défis, notamment économiques et sécuritaires.
Soueïda a acquis une certaine autonomie par défaut, Damas n’ayant pas les moyens de s’imposer dans cette région. Toutefois, cette autonomie est synonyme de marginalisation économique et d’une absence de services de base. L’économie locale souffre des conséquences du conflit, aggravées par la sécheresse et les restrictions étatiques.
En parallèle, la question druze en Syrie ne se limite plus à des enjeux internes, mais s’invite désormais sur la scène régionale avec l’intervention d’Israël.
Tel-Aviv a menacé d’agir pour protéger les Druzes, notamment à Jaramana, près de Damas. L’armée israélienne a d’ailleurs déjà mené des frappes ciblées contre les forces du nouveau régime syrien et des groupes islamistes radicaux, accusés d’attaquer les Druzes.
Cependant, Suleiman Kataba, analyste politique druze et membre du Comité fondateur du Rassemblement civil à Jaramana, a rejeté toute nécessité d’une telle intervention. Il a qualifié les affrontements à Jaramana de simples altercations locales et a accusé Israël d’exagérer la situation pour justifier son ingérence. Il a également souligné que pour presque tous les membres de la minorité druze syrienne, « Israël reste un ennemi » occupant toujours le plateau du Golan. Cette intervention soulève des interrogations sur d’éventuelles intentions expansionnistes israéliennes dans la région.
Les Druzes du Liban, entre inquiétudes et divergences

Les bouleversements en Syrie ne laissent pas indifférents les Druzes du Liban, qui observent la situation avec une certaine prudence.
Leurs liens historiques, culturels et religieux sont forts, mais leurs trajectoires politiques divergent. Alors que les Druzes du Liban, représentés notamment par Walid Joumblatt, ont longtemps cultivé une approche pragmatique au sein du système confessionnel libanais, ceux de Syrie sont plus isolés et exposés aux tensions du régime et des forces régionales.
Malgré cette proximité culturelle et religieuse, les différences de positionnement entre les Druzes des deux pays pourraient avoir des répercussions sur l’avenir politique de la communauté dans la région.
Sont-ils sur la même ligne ? Rien n’est moins sûr. Les Druzes du Liban, bien qu’exprimant leur solidarité avec leurs « frères » syriens, évitent toute implication directe dans la crise syrienne, conscients des équilibres précaires au Liban. Cette prudence contraste avec la situation des Druzes de Soueïda en Syrie, qui rejettent de plus en plus l’autorité de Damas et doivent composer avec des dynamiques locales et internationales plus complexes. Cette différence de positionnement pourrait influer sur l’avenir politique de la communauté druze dans la région.
Israël élimine un commandant du Hezbollah
Une première liquidation ciblée post-cessez-le-feu vient de se produire au Sud Liban. Mardi matin, un drone israélien a frappé un véhicule dans le village de Rachknenay, situé dans le caza de Tyr au Liban, entraînant la mort de Khodr Hachem, un haut commandant de la force al-Radwan du Hezbollah. Selon des sources israéliennes relayées par les médias, cette frappe ciblait spécifiquement un cadre militaire clé, responsable des opérations navales du Hezbollah. L’attaque s’est déroulée sous la surveillance d’un drone Hermes 450, qui survolait la ville de Tyr et ses environs.
Malgré le cessez-le-feu instauré depuis fin novembre, Israël continue de mener des frappes contre le Hezbollah. La semaine dernière, l’armée israélienne a annoncé avoir éliminé un autre membre du groupe, l’accusant de trafic d’armes en provenance de Syrie, une action perçue comme une violation de la trêve. Cette intensification des frappes ciblées par Tsahal fait craindre un regain des hostilités à grande échelle, mettant en péril la stabilité régionale.
Au-delà de la situation des Druzes, la région reste marquée par des tensions militaires persistantes, notamment entre Israël et le Hezbollah.
Le soutien du sommet arabe à la Palestine

Le sommet a entériné la proposition égyptienne pour Gaza, qui constitue désormais le socle du plan arabe. Ce dernier vise à assurer une stabilisation régionale en mettant en place :
– L’instauration d’un cessez-le-feu immédiat, bien que ce point soit contesté.
– La mise en place d’une administration technocratique pour gérer Gaza pendant six mois, sans influence des factions politiques.
– La coordination du Comité arabo-islamique pour expliquer cette initiative à la communauté internationale.
– La demande au Conseil de sécurité de l’ONU de déployer une force internationale de maintien de la paix en Cisjordanie et à Gaza.
Les dirigeants arabes ont également annoncé la création d’un fonds dédié à la reconstruction de Gaza, initiative saluée par le Hamas. Le chef de l’ONU a exprimé son soutien au plan égyptien, soulignant l’urgence humanitaire sur place. Que représente cette unité affichée des pays arabes face au conflit, d’autant plus qu’Israël rejette catégoriquement ce plan ?
Le Liban réintègre la sphère arabe
Dans ce contexte géopolitique tendu et après des années d’isolement diplomatique, le Liban a enfin réintégré l’espace arabe. L’Arabie saoudite, le Qatar et d’autres pays ont déclaré débloquer des fonds d’aide à l’armée libanaise, tandis que l’Égypte a encouragé la reconstruction du pays. Cette réouverture vers les alliés arabes pourrait redessiner les équilibres régionaux et renforcer Beyrouth face aux défis économiques et sécuritaires. Toutefois, il reste à voir si cette nouvelle dynamique se traduira par une véritable stabilisation du pays ou si les tensions persistantes avec Israël et la Syrie viendront compliquer la situation.
La réponse israélienne : un rejet catégorique
Malgré les efforts diplomatiques des pays arabes, Israël adopte une position ferme et inflexible face aux nouvelles propositions.
Le ministère israélien des Affaires étrangères a rejeté le plan arabe, affirmant que :
– Le communiqué du sommet arabe ne reflète pas la réalité post -7 octobre.
– Le plan repose sur l’Autorité palestinienne et l’UNRWA, jugées « corrompues » par Israël.
– Le Hamas ne peut pas rester à Gaza.
– Les habitants de Gaza doivent être encouragés à adopter l’idée de Trump.
Israël face à une implication militaire incluant les pays arabes ?
Face aux tensions croissantes, la possibilité d’une escalade militaire entre Israël et les puissances arabes se pose de plus en plus.
Israël a intensifié ses frappes en Syrie, ciblant des sites d’armement, des routes d’approvisionnement et des commandants liés à l’Iran, dans le but de contrer l’influence de Téhéran et du Hezbollah. Parallèlement, Israël affirme vouloir défendre les Druzes de Syrie et a récemment largué des armes au-dessus de Soueïda, accentuant ainsi les tensions avec Damas. Cette escalade pourrait déstabiliser davantage la région et entraîner une confrontation militaire avec les forces syriennes et les groupes soutenus par l’Iran.
Les accords d’Abraham ont transformé les relations entre Israël et plusieurs pays arabes, notamment les Émirats arabes unis et Bahreïn, qui ont normalisé leurs relations avec l’État hébreu. Cependant, face à la pression populaire et aux dynamiques géopolitiques évolutives, cette posture pourrait être remise en question. Une éventuelle implication militaire des pays arabes en faveur de la Palestine marquerait un tournant décisif dans la région, ouvrant un nouveau front de conflit qui pourrait entraîner une reconfiguration totale du Moyen-Orient. Tout le monde parle d’un « nouveau Moyen-Orient », mais reste à savoir lequel naîtra de ce chaos en gestation…