De nombreux décideurs occidentaux ainsi que des forces politiques libanaises oublient que les relations d’une grande partie des sunnites du Liban n’étaient pas franchement chaleureuses avec l’Arabie saoudite avant la nomination de Raric Hariri comme président du conseil des ministres en 1992 et jusqu’à son assassinat en 2005.
Une chronique de Badih Karhani
Il est utile de rappeler dans ce cadre que la relation entre certaines factions sunnites au Liban et les États du Golfe n’était jamais au beau fixe avant l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Rafic Hariri au Liban. De plus, cette relation était également régie à certains moments par les rapports syro-saoudiens.
En 1958, le Liban s’est retrouvé menacé par une guerre civile entre chrétiens et musulmans. En effet, les tensions avec l’Égypte avaient commencé en 1956 suite au refus du président libanais Camille Chamoun de rompre les relations diplomatiques avec les pays occidentaux, qui avaient attaqué l’Égypte lors de la crise du canal de Suez et de l’offensive tripartite (menée par Israël, la France et la Grande-Bretagne) qui a ébranlé le président égyptien Gamal Abdel Nasser.
Ces tensions se sont intensifiées lorsque Camille Chamoun a annoncé adhérer à l’alliance du Pacte de Bagdad, que Nasser considérait comme une menace pour le nationalisme arabe. Par conséquent, Nasser prendra l’initiative de soutenir le Premier ministre libanais sunnite de l’époque Rachid Karamé. Lorsque l’union entre l’Égypte et la Syrie a été établie au nom de la République arabe unie, les musulmans libanais ont demandé au gouvernement libanais d’adhérer à cette union, tandis que les chrétiens voulaient une alliance avec les pays occidentaux. Une rébellion islamique armée a suivi et les rebelles ont été accusés d’avoir été armés par la République arabe unie.
En outre, lorsque feu le président Gamal Abdel Nasser avait comploté contre la monarchie en Arabie saoudite en cherchant à provoquer un coup d’État contre la famille royale en Arabie saoudite, les sunnites du Liban se sont rangés du côté de Gamal Abdel Nasser contre l’Arabie saoudite. De même, quand le président Saddam Hussein avait envahi le Koweït en 1990, certains sunnites du Liban s’étaient également rangés du côté de Saddam Hussein contre le Koweït.
Paradoxalement, lorsque le président turc Recep Tayyip Erdogan a fait l’objet d’une tentative de coup d’État en 2016, de nombreux sunnites libanais ont manifesté en faveur d’Erdogan
Les sunnites libanaisn’ont pas bougé lorsque l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont été frappés par des attentats terroristes perpétrés par les Houthis, à l’exception de quelques tweets timorés par-ci par-là de personnalités sunnites qui ne font aucune différence.
Si l’on compare ce que les États du Golfe offrent au Liban et aux sunnites du Liban et les positions de ces derniers vis-à-vis de ces pays, notamment les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Koweït, on peut affirmer aisément que les sunnites du Liban trahissent ce prolongement naturel, religieux, confessionnel et ethnique que constituent ces pays pour eux.
Bref, les sunnites du Liban n’ont pas réussi à proposer un projet national qui ne soit pas importé, que ce soit au niveau du pays ou au niveau de la communauté. Ainsi, les courants importés sont restés les mêmes, à savoir le nassérisme et le nationalisme arabe, représentés par les partis Baas et les Frères Musulmans. Pourtant, les intéressés doivent présenter leur propre projet national au Liban. Un projet en harmonie avec le pays du Cèdre, où vivent plus de 17 communautés religieuses, et avec le monde arabe et le Golfe en particulier. Aussi, que personne ne cherche d’excuse au titre de la normalisation avec Israël. La Turquie, où ils se rendent régulièrement, est un pays qui a normalisé avec Israël, de même que l’Égypte.
Le Liban souffre d’une crise identitaire et systémique.
Ce que l’on attend des sunnites du Liban, avant les autres, c’est qu’ils soient les plus attachés à l’identité arabe du Liban et aux meilleures relations avec les pays arabes, en particulier les pays du Golfe, qui constituent leur prolongement naturel qui leur permettrait de passer du nationalisme arabe partisan à un arabisme culturel et rassembleur avec toutes les autres communautés libanaises. De même, les sunnites doivent œuvrer à unifier l’identité libanaise et à promouvoir un système libanais neutre, trait d’union entre l’Est et l’Occident.
Or force est de constater que ce projet ne peut être mené par des hommes d’affaires mais plutôt par de grands hommes d’État sunnites !