Le dollar a atteint un taux de change avec la livre libanaise historiquement bas: 46000 livres libanaises pour un dollar contre 1500 en 2019 lorsque la crise financière s’est violemment abattue sur le Liban
Depuis l’Indépendance et malgré une guerre civile, les occupations étrangères et l’incurie de l’État, le Liban était parvenu à rester cette Suisse du Moyen orient où les capitaux affluaient, les salaires augmentaient et le dollar s’échangeait pour rien ou presque. Cette époque est désormais révolue. Le Liban manque de tout, y compris de l’essentiel. Les trois quarts de la population de la population se trouvent sous le seuil de pauvreté.
Il semble ainsi loin le temps où, au pays du Cèdre, un dollar s’échangeait librement 1500 livres, soit un taux de change très bas, pour les transactions du quotidien. Un temps marqué par la « dollarisation » de la société libanaise, qui n’est pas si éloigné, puisqu’il remonte à 2019, soit il y a deux ans. Mais cette année-là, la crise s’est abattue au Liban, provoquant un phénomène d’hyperinflation, une banqueroute imminente et une progression foudroyant de la pauvreté, accentuée par la déficience structurelle des grands services publics.
L’usine à cash
Le paradoxe du Liban est que nombreux sont ceux qui ont plus d’un dollar sous leurs matelas. Avant le gel d’une centaine de milliards de dépôts en 2019 qui a jeté le pays dans l’inconnu, la population libanaise avait retiré entre huit et dix milliards de dollars de leurs comptes en banque. Ce qui, rapporté à une population de quatre millions de citoyens, est considérable.
Ce n’est pas la seule botte secrète de ce peuple inventif. L’aéroport de Beyrouth reste le plus florissant centre de transit de cash de la planète. Et c’est tant mieux ! Chaque avion de ligne qui rapatrie les membres d’une diaspora fortunée et fidèle crache des valises pleines de lait pour enfants et de médicaments ainsi que des sacs remplis, comme on dit joliment à Beyrouth, des « fresh dollars ». À distinguer des « lollards », ces livres libanaises qui étaient traditionnellement convertibles en dollars.
Même le fonctionnaire des douanes le plus respectueux du règlement n’aura pas l’outrecuidance de contrôler ces marchandises à l’entrée des douanes. Il y va de la survie du pays.
Autre ballon d’oxygène financier, ceux des chiites proches du Hezbollah, le mouvement pro iranien né en 1985, profite de la manne financière venue de Téhéran. Les miliciens armés de cet État dans l’État restent toujours payés en cash et en dollars. Quant aux magasins ouverts dans le Sud Liban et jusqu’à la banlieue sud deBeyrouth pour les « encartés » du parti chiite, ils sont fort bien approvisionnés.
Tel est le non dit du « chaos » libanais qui permet à ce pays au bord du précipice, sans chef d’état ni réserves officielles de change, de faire face malgré tout