Il y a encore trois ans, le centre-ville de Beyrouth était le coeur battant de la capitale libanaise. Un quartier qui ne dormait, ou presque, jamais. Avec les crises politique, sociale, économique qui se sont abattues sur le pays, ce quartier est boudé tant par la population que par les touristes.
Depuis Beyrouth, au Liban
Beyrouth, lundi 23 mai 2022. Dans le centre-ville. Sur ordre du gouvernement, le premier bloc de béton du « mur de la honte » est démantelé. Placés sur les huit entrées menant à la place de l’Etoile – lieu où se trouve le Parlement libanais – ces blocs avaient été érigés au début des manifestations populaires qui ont éclaté le 17 octobre 2019 pour empêcher les manifestants d’accéder au Parlement.
A l’heure actuelle, presque aucun civil ne peut se rendre sur la place de l’Etoile. Les abords sont (toujours) gardés par des hommes armés et protégés par des rangés de fils barbelés. Jeudi 26 mai, plusieurs blocs d’autres secteurs étaient en train d’être démantelés.
Selon nos informations, d’ici une dizaine de jours, deux semaines maximum, tous les accès devraient être libérés. Le démantèlement du « mur de la honte » laisse entrevoir un peu d’espoir pour le centre-ville de Beyrouth, autrefois le cœur battant de la capitale libanaise et qui, depuis près de trois ans, souffre.
Le centre-ville déserté
La moitié des magasins des souks de Beyrouth, d’ordinaire très animés, ont fermé. D’autres ont déménagé. Personne dans les allées. L’ambiance est à la limite du sinistre.
Les cafés, bars et restaurants du centre-ville ont fermé leurs portes, soit temporairement soit définitivement. Les rues sont désertes. Les touristes, et même les Libanais eux-mêmes, boudent l’endroit.
Seules circulent, abondamment, les voitures qui empruntent l’artère principale du centre-ville, la rue Waygand, longue de près de 600 m. Mais c’est juste pour passer. Le centre-ville de Beyrouth, noir de monde à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit il y a encore trois ans, est devenu un simple trou de vers pour rejoindre une autre route, et non plus un lieu où on s’arrête.
Enchainement de circonstances
Mais comment expliquer un tel contraste en l’espace de quelques années ? La crise politique, la crise économique sans précédent qui frappe le pays. Deux années de manifestations populaires avec leur lot de dégradations.
L’un des symboles les plus marquants de ce mouvement de protestation sociale est la fermeture temporaire de l’hôtel « Le Gray », l’un des hôtels les plus luxueux de Beyrouth. Des manifestants ont essayé de l’incendier. Sans succès. Depuis, le bâtiment est complètement barricadé. Sur la devanture, en grosses lettres, il est écrit en anglais : « Restons forts. Ensemble, nous nous relèveront une fois de plus. A bientôt« . Comme pour compléter le message de l’hôtel, une pancarte, en-dessous, transmet un message d’ »espoir ».
Enfin… le centre-ville a été très lourdement impacté par l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Beaucoup d’immeubles ont été éventrés par l’onde de choc, dont celui du quotidien Al-Nahar. Des traces sont encore visibles dans le centre-ville et autour.
Les grues se multiplient autour de la place des Martyrs, épicentre des manifestations, pour reconstruire les immeubles endommagés.
La vie continue
Il faut s’éloigner de l’hypercentre pour voir la vie reprendre ses droits. Des Libanais s’assoient en terrasse, consomment, profitent du beau temps, sourient, rigolent, revivent. Les cafés et restaurants sont suffisamment éloignés de l’épicentre des manifestations et du désordre qui en a résulté.
Ces instants de détente devenus rares pour une grande partie des Libanais qui observent, sans pouvoir rien y faire, l’effondrement de leur monnaie face au dollar. Le 26 mai, un billet vert s’échangeait à 35 000 livres libanaises. A titre de comparaison, il y a deux ans et demi, un dollar valait 1505 livres. Les prix s’envolent, y compris ceux de première nécessité. Les salaires ne suivent pas. La population vit quotidiennement avec deux heures d’électricité maximum.
Peut-être que la réouverture de la place de l’Etoile ramènera un peu de vie dans une capitale libanaise qui en a bien besoin.
Le coeur de Beyrouth est dévasté