L’interdiction de vols iraniens à Beyrouth a provoqué des affrontements violents entre partisans du Hezbollah et l’armée libanaise. Alors que le gouvernement invoque la sécurité nationale, le Hezbollah dénonce une soumission aux diktats israélo-américains. Une crise politique et sécuritaire majeure s’installe.
L’aéroport international de Beyrouth est devenu l’épicentre d’une nouvelle crise majeure au Liban. L’interdiction, par les autorités libanaises, de deux vols iraniens de la compagnie Mahan Air a déclenché une violente réaction du Hezbollah, qui a bloqué les accès à l’aéroport en incendiant des pneus et en organisant des manifestations massives. La tension est montée d’un cran vendredi lorsqu’un véhicule de la FINUL a été attaqué et incendié, blessant le commandant adjoint sortant de la mission de l’ONU au Liban.
Le Hezbollah, par la voix d’une de ses figures, Mahmoud Qomati, a dénoncé une
« soumission du gouvernement libanais aux pressions israéliennes et américaines ». Il accuse les autorités de compromettre la souveraineté du Liban en cédant aux menaces de frappes israéliennes sur l’aéroport si les vols iraniens y étaient autorisés.
De son côté, le gouvernement libanais justifie cette interdiction par des considérations sécuritaires. Le Premier ministre Nawaf Salam a déclaré que « la sécurité de l’aéroport de Beyrouth prime sur toute autre considération » et que « la stabilité du pays ne peut être mise en péril pour satisfaire des intérêts extérieurs ». Une source sécuritaire libanaise a confirmé que « par l’intermédiaire des Américains, Israël a informé l’État libanais qu’il ciblerait l’aéroport si l’avion iranien atterrissait au Liban ».
Le Hezbollah face à un dilemme existentiel
L’interdiction des vols iraniens intervient dans un contexte de fragilité accrue pour le Hezbollah. Après la guerre qui l’a opposé à Israël entre septembre et novembre 2024, l’organisation a subi des pertes considérables. Plusieurs de ses hauts commandants ont été éliminés et son infrastructure militaire au sud du Litani a été sérieusement affaiblie. Pourtant, le mouvement refuse d’admettre une quelconque défaite et parle d’une « victoire aux points ».
En réalité, le Hezbollah se retrouve acculé. Avec la perte progressive de la route syrienne pour le transit d’armes et de fonds, l’Iran cherche de nouvelles voies pour soutenir son allié libanais. L’une des stratégies envisagées est l’utilisation de vols civils iraniens pour faire transiter des fonds et du matériel militaire sous couvert d’aide humanitaire. Israël, qui surveille de près ces mouvements, considère cette possibilité comme une menace directe et a averti à plusieurs reprises qu’il n’hésiterait pas à frapper des infrastructures stratégiques si nécessaire.
Le Hezbollah, en proie à des difficultés logistiques croissantes, tente de maintenir son influence en jouant sur l’escalade. L’interdiction des vols iraniens lui offre un prétexte pour intensifier sa pression sur le gouvernement libanais et réaffirmer son rôle de force incontournable au sein du pays.
Des menaces claires
Dans un discours prononcé dimanche, le numéro deux du Hezbollah, Naïm Qassem, a dénoncé une « décision injuste dictée par les ennemis du Liban ». Il a affirmé que « le Hezbollah ne tolérera pas que les États-Unis et Israël décident de qui peut atterrir à Beyrouth et de qui ne le peut pas » et que « le Liban ne peut accepter d’être une marionnette entre les mains de ceux qui veulent briser la Résistance ». Il a également averti que « le Hezbollah prendra toutes les mesures nécessaires pour que cette décision soit annulée ».
Dans les coulisses du Hezbollah, le ton monte et les avertissements se font de plus en plus lourds de sous-entendus. Certains hauts placés du parti ont laissé entendre que l’ère des assassinats et des attentats pourrait reprendre du fait d’éléments « incontrôlables ». Une menace à peine voilée, qui fait écho aux sombres années où le Liban était le théâtre d’attentats politiques et d’opérations ciblées contre des figures hostiles au Hezbollah.
Ces déclarations laissent planer le spectre d’un retour aux méthodes clandestines utilisées par le Hezbollah, lorsque les assassinats politiques, les attentats à la voiture piégée et les opérations contre des diplomates et des responsables libanais étaient monnaie courante.
L’Iran dans l’ombre d’un conflit par procuration
Face à la décision du gouvernement libanais, l’Iran a réagi avec prudence, tout en cherchant à maintenir la pression sur Beyrouth. Le ministère iranien des Affaires étrangères a affirmé être « prêt à mener des discussions constructives avec le Liban afin de résoudre la question des vols civils ».
Cependant, Téhéran perçoit cette interdiction comme une atteinte à son influence régionale. La République islamique a toujours utilisé le Hezbollah comme un levier stratégique dans son bras de fer avec Israël et les États-Unis. La fermeture de la route aérienne entre l’Iran et Beyrouth complique encore plus ses efforts pour soutenir militairement et financièrement son allié libanais.
Un gouvernement sous pression
Le Premier ministre Nawaf Salam, qui a pris ses fonctions dans un climat politique déjà tendu, se retrouve face à une situation explosive. Son gouvernement doit naviguer entre les pressions internationales, la menace sécuritaire israélienne et la capacité du Hezbollah à paralyser le pays.
Mais cette décision ne va pas sans risque politique. Le Hezbollah a déjà laissé entendre qu’il pourrait boycotter le Conseil des ministres si l’interdiction des vols iraniens était maintenue. Une telle initiative plongerait à nouveau le pays dans un blocage institutionnel similaire à ceux qui ont paralysé le Liban ces dernières années.