La proximité géographique d’Israël avec le nord-ouest de l’Arabie saoudite, ses avancées technologiques et sa culture dynamique de startup positionnent l’État hébreu comme un partenaire prometteur pour le projet NEOM, cette ville futuriste pharaonique en train de se construire au Nord Est du Royaume séoudien (1)
Par Giorgio Cafiero (extrait de l’article « Saudi’s NEOM ’city in the desert’ project falters amid Gaza war” paru en anglais le 25 avril 2024 sur le site The Cradle)*
Si l’on veut rendre une population malléable, il faut bousculer ses repères. Telle est la fonction de l’architecture en Arabie Saoudite nouvelle. Neom est un projet de ville nouvelle futuriste dans la province de Tabuk, dans le Nord-Ouest du royaume. Cette ville unique au monde sera construite d’un seul bloc et aura une longueur de 170 km et sera située entre la mer Rouge et des montagnes culminant à plus de 2 500 m, à proximité de la Jordanie, de l’Égypte et d’Israël.
Le projet a été annoncé en 2017 dans le cadre du plan Vision 2030. Son nom résulte de l’association de neo (nouveau, en grec) et de m pour moustaqbal (futur, en arabe).
En plein cœur du désert, Neom aurait une superficie de 26 000 km2 à 26 500 km2 et coûterait plus de 500 milliards de dollars. L’occupation au sol de la ville serait d’à peine 34 km2. Neom empiète sur l’ancien royaume du Hedjaz et forcera quelque 20 000 membres de la tribu des Howeitat à quitter un territoire que cette tribu occupe depuis des siècles3.
Écrivant en mars 2021, le Dr Ali Dogan, ancien chercheur au Leibniz-Zentrum Moderner Orient, est allé jusqu’à affirmer que « les relations avec Israël sont nécessaires pour que l’Arabie saoudite puisse achever le NEOM »
Les Israéliens incontournables.
Le Dr Mohammad Yaghi, chercheur à la Konrad Adenauer Stiftung allemande, a également déclaré que NEOM « nécessite la paix et la coordination avec Israël, surtout si l’on veut que la ville ait une chance de devenir une attraction touristique ». Cependant, le rôle de leader de l’Arabie Saoudite dans le monde islamique, illustré par le titre du monarque de « Gardien des deux saintes mosquées », rend toute normalisation formelle des relations avec Tel Aviv très délicate.
Au départ, on pensait que même si les Émirats arabes unis et Bahreïn pourraient établir des relations ouvertes avec Israël, l’Arabie saoudite continuerait à s’engager secrètement, garantissant que des collaborations essentielles comme celles dont on parle dans le secteur technologique pourraient progresser discrètement.
Un exemple est celui de juin 2020, lorsqu’une controverse a éclaté sur l’engagement présumé de l’Arabie saoudite avec une société israélienne de cybersécurité, ce que l’ambassade saoudienne a ensuite nié .
Pourtant, près de sept mois après le début de la campagne israélienne visant à anéantir Gaza, l’Arabie saoudite peut-elle encore considérer Tel Aviv comme un partenaire dans NEOM ? Il semble qu’au milieu des crises en cours dans la région, principalement le génocide de Gaza, Riyad doit veiller à éviter d’être perçu comme coopérant avec les Israéliens de manière secrète, et une normalisation à part entière semble hors de question dans un avenir prévisible.
Néanmoins, une fois que la poussière sera retombée à Gaza et que la crise sécuritaire en mer Rouge se sera calmée, l’Arabie Saoudite maintiendra probablement son intérêt à renforcer ses liens avec Israël dans le cadre d’une « normalisation économique » entre les deux pays. Cela pourrait être important pour l’avenir de Vision 2030, en particulier dans NEOM. Mais la campagne militaire sans précédent d’Israël à Gaza va probablement modifier l’Asie occidentale à bien des égards dans les décennies à venir. Même après la fin de la guerre actuelle à Gaza, la colère envers Israël et les États-Unis persistera.
Il ne fait aucun doute que la relation entre Israël et la NEOM sera de plus en plus sensible et controversée, tant dans le Royaume que dans la région au sens large – un facteur que les dirigeants de Riyad ne peuvent ignorer.
*Version originale et anglais : The Cradle
(1)Neom est un projet de ville nouvelle futuriste de la province de Tabuk, dans le Nord-Ouest du royaume d’Arabie saoudite, s’étendant sur 170 km entre la mer Rouge et des montagnes culminant à plus de 2 500 m, à proximité de la Jordanie, de l’Égypte et d’Israël