« Chaque génération de libanais apprend à vivre avec la catastrophe qui lui tombe sur la figure », tente de relativiser Maria, la trentaine. Les cafés et les restaurants de Beyrouth continuent à être très fréquentés, notamment en soirée. Reportage
Les Libanais sont suspendus au yoyo qu’effectue la livre libanaise par rapport au dollar. Ce vendredi, un billet vert s’échangeait à plus de 37 000 livres libanaises – avant un brutal plongeon à 28 000, puis 27 000. La terrible crise sociale et financière n’empêche pas les Libanais de profiter de la vie tant bien que mal. Les quartiers fréquentés de la capitale libanaise et de ses banlieues sont toujours animés.
« Évacuer la pression »
Rues d’Arménie et Gouraud, près du centre-ville, se joignent les quartiers de Mar Mikhael (Saint-Michel) et de Gemmayzé, qui s’étendent sur plus de deux kilomètres. Ils sont très fréquentés par les jeunes (et moins jeunes) Libanais. Vendredi 28 mai, une ambiance de fête contraste au milieu des dégâts encore visibles de l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. L’un de ces symboles : une station-service complètement soufflée par l’onde de choc, et qui cohabite avec les bars et restaurants adjacents et complets. A la musique qui résonne, s’ajoutent les klaxons des voitures. Il y a des embouteillages.
Nous avons recueilli quelques témoignages de ces Libanais qui se refusent à survivre, et qui prônent la vie. « Les Libanais veulent vivre. Ils aiment ça », nous confie un homme d’une trentaine d’années. « Nous refusons de rester à la maison, à attendre que les choses se passent. Nous voulons évacuer la pression. La vie ici n’est pas agréable, mais on fait comme on peut », nous confie une dame, refusant d’être nommée. Parmi cette foule de fêtards, se trouvent également des étrangers travaillant à Beyrouth. « Nous sommes des privilégiés dans cette crise. Nous sommes payés en euros », nous expliquent deux travailleurs européens.
Plus loin dans la rue, se trouve le restaurant « Mayrig ». Cuisine arménienne. Il a été soufflé – pour ne pas dire rasé – par l’explosion du 4 août. Des employés ont été blessés.
Il a été le premier restaurant de tout le quartier de Mar Mikael a avoir rouvert ses portes. « On a rouvert la terrasse 28 jours après l’explosion, et l’intérieur 7 mois après », nous raconte la directrice de l’établissement Aline Kamakian. Presque deux ans après le drame, l’établissement a retrouvé des couleurs.
Elle confie toutefois avoir vu sa clientèle changer depuis le début des crises qui se sont abattues sur le Liban. « Il y a un petit pourcentage des Libanais qui venaient avant, des employés de différentes ONG, des Libanais expatriés… ». Face au comportement de la livre libanaise par rapport au dollar, Aline Kamakian indique « être obligée d’adapter ses prix. On veut faire en sorte de ne pas être trop cher, et en même de pouvoir continuer ». Elle insiste également sur le fait que « malgré tout, le Libanais a un caractère qui le pousse à vouloir vivre ».
Difficile de trouver une place
Poussons un peu plus loin. Jusqu’au quartier (majoritairement chrétien) de Badaro. Il est difficile de trouver une place pour s’asseoir. Les bars et restaurants sont pris d’assaut.
Quand on pense, que quelques mètres plus loin, se trouve la place de Tayouné. Le 14 octobre 2021, des affrontements ont éclaté entre des combattants du Hezbollah et du mouvement Amal, face aux Forces libanaises (chrétiens). Bilan : 7 morts et 32 blessés. Des affrontements qui ont fait resurgir le spectre de la guerre civile qui a secoué le pays entre 1975 et 1990.
Même situation au Backyard, coin connu du quartier de Hazmieh. Un complexe de restaurants et de bars ouvert chaque jour. Vers 21h30, les restaurants et les bars se remplissent. Presque plus de place.
En d’autres termes, les Libanais qui en ont la possibilité tentent de profiter au mieux de la vie. Ils sont malheureusement une minorité à pouvoir y parvenir. La grande majorité des Libanais lutte chaque jour pour survivre et sortir au mieux de ces crises.