Le projet d’une vaste amnistie touchant à la fois les militaires emprisonnés, les oligarques de l’ère Bouteflika et une partie des opposants ainsi que la volonté d’élargir la base politique du régime ne sont plus d’actualité en Algérie. Les chicayas incessantes au sein de l’institution militaire ont eu raison de la volonté d’une partie du pouvoir de trouver un nouveau souffle. Ce qui nuit considérablement à l’exercice diplomatique auquel Emmanuel Macron et ses ministres tentent de se livrer pendant trois jours à Alger.
À la fin de février 2022, une réunion informelle est convoquée par le chef d’état-major au siège de la toute nouvelle « direction du conseil et du suivi » (DCS) dans les locaux flambants neufs situés à Douira sur les hauteurs d’Alger. La nouvelle structure est dirigée par le général Djebbar M’hénna, un homme du tout puissant général Toufik qui avait été condamné à huit ans de prison pendant le court rêgne du général Gaïd Salah. Le message était clair: les anciens du DRS avaient à nouveau droit de cité. Le général Chengriha, le nouveau chef d’état major, est, à l’égal de son prédécesseur, l’homme fort et rassembleur dont l’Algérie avait besoin.
La mise en place d’une coordination des services, qui existait avec le président Bouteflika sous l’autorité du général Tartag, est jugée indispensable. La situation actuelle où on assiste à des chicayas entre les services extérieurs de la DGDSE et ceux du contre terrorisme intérieur DGSI empêche toute stratégie commune, notamment dans la répression contre les opposants de la diaspora. L’heure devrait être au rassemblement pour affronter les défis sécuritaires face aux mobilisations du Hirak et aux contentieux régionaux (Maroc, Libye, Sahel).
La tentation d’une large amnistie
Comment lutter contre les mobilisations populaires qui s’expriment dans les stades et sur les réseaux sociaux? Comment faire face aux exigences de libération de plus de trois cent détenus politiques sans jugement? Ces questions, ce jour là, sont posées.
Une proposition d’une large amnistie, le 5 juillet, jour du 60eme anniversaire de l »Indépendance, qui aurait touché aussi bien les officiers supérieurs que les hommes d’affaires mis en prison après la démission de Bouteflika, est avancée. Nommé pour réfléchir, en vue du deuxième mandat de Tebboune, à un élargissement de la base politique du régime, le colonel Mohamed Chafik Mesbah, conseiller « des affaires réservées » à la Présidence, va au delà en proposant d’élargir l’amnistie à quelques dizaines d’opposants récupérables.
Ce scénario auquel Mondafrique dans ses précédents papiers a cru tournait autour de deux idées somme toute raisonnables pour le pouvoir en place: une solution politique pour relancer l’action gouvernementale; un rassemblement des forces vives de l’armée qui vit dans l’inquiétude de nouvelles purges.
La DCSA (renseignement militaire) n’a-t-elle pas vu se succéder cinq directeurs en 2019 et en 2020? Et la DGDSE (services extérieurs) n’a-t-elle pas connu cinq patrons de janvier 2020 à juillet 2022? (voir l’encadré ci dessous) Congédiés, beaucoup de ces hauts cadres ont été inquiétés sur le plan judiciaire. Une trentaine de généraux et une cinquantaine d’officiers sont aujourd’hui emprisonnés. De quoi fissurer l’institution militaire dont une minorité était choquée par le retour des vieilles méthodes dignes des opérations, type GIA, des années noires (1992-1998)
Splendeur et déclin du général M’henna
Le général Djebbar M’henna croit son heure arrivée. Pour la première fois après le symposium de l’armée, le patron de la Direction du Conseil et du Suivi (DCS) assiste au Haut Conseil de Sécurité, à la droite du général Chengriha. Le colonel Boulahya, son chaouch, est placé à la tète d’une nouvelle direction dite du renseignement et d’analyse (DRA). Des opérations commando contre les opposants à l’étranger qui sont lancées échouent lamentablement. Heureusement pour le pouvoir algérien, la presse française n’a pas montré sur ces initiatives intempestives une très grande curiosité.
Hélas pour le général M’henna, les hauts cadres du renseignement militaire de la DCSA s’opposent fermement à l’idée de mettre en place une coordination des services qui ne serait pas placée sous leur autorité. Le général Ouled Zmirli, patron de la DCSA, refuse qu’on remette en cause les prérogatives grignotées année après année qui placent son service au niveau où se trouvait, durant les belles années, l’ancien DRS du tout puissant général Toufik.
Pris en étau entre les cadres de la DCSA, bras armé de l’État Major, et les ambitions des revenants de l’ex DRS, qui jouent des cartes politiques (1), le général Said Chengriha choisit les premiers.
L’utile et l’agréable
Lors d’un conclave fermé fin mai, l’état-major décide du gel de toutes les initiatives appelant au rassemblement et se focalise sur le défilé militaire du 5 juillet. Un message clair au frère ennemi marocain. C’est que le Maroc a réalisé, du 20 au 30 juin passé, des manoeuvres de grande ampleur -« africain lion 2022 »- en présence de l’armée américaine mobilisant ainsi 7500 soldats issus de dix pays, en présence, pour la première fois, d’observateurs israéliens.
L’heure est au retour aux fondamentaux sécuritaires. L’utile et l’agréable: le général Chengriha ne souhaitait pas de toute façon que des annonces médiatisées sur une amnistie générale portent ombrage à « sa » fête nationale, celle de l’armée et de son chef. Un formidable défilé militaire était organisé, le 5 juillet, qui coutera 28 millions de dollars et qui vaudra à la ville d’Alger d’être fermée à la circulation pendant six jours.
(1) Les Toufik boys hésitent entre la reconduction du Président Tebboune ou le choix d’un joker, qui pourrait être l’actuel ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra ou encore l’ancien ministre de la communication et porte parole de Bouteflika, Abdelaziz Rehabi.
CINQ DIRECTEURS EN TROIS ANS À LA TÈTE DES SERVICES EXTERIEURS
En trois ans seulement, la DGDSE a vu défiler cinq directeurs.
- Nommé par Gaïd Salah, en 2019 dont il était une éminence grise, le général Kameleddine Remili, longtemps en fonction aux États Unis, cède sa place au général Mohamed Bouzit, alias « Youssef » en avril 2020.
- Neuf mois de fonctions seulement avant que le général « Youssef » ne soit emprisonné.
- Le 21 janvier 2021, le général Youssef est donc remplacé par le général Nordine Mokri, alias Mahfoudh « Polisario », un dossier dont il a été chargé pendant une quinzaine d’années. Quinze mois à ce poste, et lui aussi est congédié.
- Le 14 Mai 2022, le général Mokri, alias « Polisario », est remplacé par le général Kehal Madjdoub, pur produit du DRS, qui est réhabilité Il avait écopé de trois ans de prison dans l’affaire e 2015 des coups de feu à la résidence présidentielle de Zéralda où il était chargé de la protection de Bouteflika.
- En juillet 2022, le général Madjdoub est nommé à la tète de la DGSI (services intérieurs) à la place du général Rachedi, ancien attaché militaire aux Émirats et très proche du demi frère de MBZ, l’Émir des EAU. Lequel Rachedi a été recasé à la tète des services extérieurs à la place … du général Kehal Madjhoub. Depuis, le général Rachedi, accusé de « fuites » vers les réseaux sociaux et détesté par ses collaborateurs, a été victime d’un AVC et a été transporté d’urgence à Paris.
@Imhotep
« Chengriha et ses sbires si prompte à mater ceux qui aspire à vivre dans un état civil et démocratique que de faire face aux menaces régionales »
Pouvez-vous etre plus clair là-dessus?
Les ennemis de l’Algerie ne comprendrons jamais que le peuple et l’armée Algerienne ne sont qu’un seul corp et ceci depuis la révolution de 1954 .Un seul et indivisible corp
@Erguez, il faut juste se mettre au service d’admission à la prison de Blida pour se rendre compte du niveau du saignement de notre armée tenue par une gérontocratie qui ne veut pas libérer les dynamiques du changement au sein de l’institution. Une réalité évidente nous frappe lorsque le haut commandement se charge des purges des officiers que des réformes urgentes dont le pays a besoin. La priorité est donnée à la répression qu’à la progression. Chengriha et ses sbires si prompte à mater ceux qui aspire à vivre dans un état civil et démocratique que de faire face aux menaces régionales. Les services se focalisent sur les jeunes algériens au lieu de parer toute intrusion de Pegasus qui a mis sous écoutes plus de 6000 responsables algériens 2 années durant.
Monsieur Nicolas Beau,nous savons que vous ne portez ni l’afrique et ni l’algerie dans votre cœur, vous essayez d’employer des mots périmés pour faire sexy et loukoum (chikaya, chaouch) afin de nous expliquer que l’armée algérienne est la mafia et que l’algerie est au bord de la guerre civile. Les opposants en franc dans vous parlez ne sont que quelques douzaines de malfrats au service de la France et d’Israël et pèsent même pas la moitié de la moitié que les gj.
Le roman fleuve de l’institution militaire algerienne continue. Et le ghachi (la populace) dans tout ça? Allah y pourvoira comme toujours. Pauvre pays.