Le président Recep Tayyip Erdogan tente d’atténuer le choc de l’inflation de 64% sur la population et utilise l’arme judiciaire pour affaiblir l’opposition avant les élections de mai 2023 qui pourraient remettre en cause le soutien politique dont il dispose dans un pays qui, malgré ses penchants autoritaires, reste une démocratie sur le plan électoral.
La campagne électorale a démarré très tôt en Turquie. Alors que les élections présidentielles n’auront lieu qu’à la mi-mai 2023, le gouvernement turc dépense des milliards de dollars de fonds publics pour séduire un électorat hésitant.
Depuis fin décembre, M. Erdogan a augmenté le salaire minimum national de 55% ; les salaires des fonctionnaires ont augmenté de 30 pour cent ; un programme de prêts subventionnés aux commerçants et aux petites entreprises a été élargi ; l’âge minimum de départ à la retraite a été aboli ce qui permet à plus de 1,5 million de Turcs de cesser immédiatement de travailler et de percevoir leur pension.
Des aides aux plus démunis
Ce programme de dépenses gouvernementales s’ajoute à d’autres initiatives lancées l’an dernier : un programme de soutien en espèces pour les familles à faible revenu; l’annulation et la prise en charge par le gouvernement des petites dettes de moins de 2000 livres turques (105 euros), à condition que le créancier donne son accord.; et des comptes bancaires subventionnés par l’État pour protéger les dépôts en monnaie locale contre la dévaluation.
De nombreux économistes craignent que ce flot de dépenses publiques ne finisse par provoquer une économie d’hyperinflation après la présidentielle. Le taux d’inflation de la Turquie, après une pointe à plus de 80%, a été de 64% en moyenne en 2022). La flambée des prix a rongé les budgets des familles turques et érodé la classe moyenne.
« Le siècle de la Turquie ».
S’adressant aux membres du Parti de la justice et du développement, ou AKP, au Parlement la semaine dernière, M. Erdogan s’est présenté comme la meilleure personne pour mener le pays dans les cent prochaines années, « le siècle de la Turquie ». Rien de moins !
- Erdogan tente de convaincre les 84 millions de Turcs qu’il œuvre à la grandeur de la Turquie, mais ses détracteurs rétorquent qu’il a utilisé ses vingt années de pouvoir pour concentrer toujours plus de pouvoir entre ses propres mains et qu’il utilise ce même pouvoir aujourd’hui pour façonner à l’avance le résultat de l’élection.
- Erdogan a été au pouvoir pendant deux décennies, en tant que Premier ministre de 2003 à 2014 et ensuite en tant que président jusqu’à aujourd’hui. Dix ans durant, il a bénéficié d’un cycle économique favorable qui a vu l’économie croitre, et des millions de Turcs sortir de la pauvreté.
Mais le cycle s’est inversé/ La population souffre aujourd’hui du chômage et de l’inflation.
L’arme judiciaire
Une coalition de six partis a uni ses forces pour tenter de renverser M. Erdogan/ Mais elle n’a pas encore de candidat et souffre de divisions internes. Par ailleurs, la justice aux ordres de M. Erdogan prend des décisions susceptibles de nuire à l’opposition.
Le mois dernier, un tribunal a interdit à Ekrem Imamoglu, maire d’Istamboul de faire de la politique pendant deux ans et sept mois, en raison d’insultes proférées contre des représentants de l’État. Il avait qualifié les responsables électoraux qui avaient annulé sa victoire initiale dans la course à la mairie d’Istanbul en 2019 d’« imbéciles ».
D’autres procès pour « corruption » sont menés contre d’autres responsables de l’opposition. Hasan Sinar, professeur adjoint de droit pénal à l’Université Altinbas d’Istanbul, a qualifié les menaces juridiques du président Erdogan de « purement politiques ».