Mise sur pied par Kaïs Saïed pour récupérer une partie des fonds détournés sous l’ère Ben Ali et au delà, la Commission nationale de conciliation pénale peine à faire rentrer quelques 13,5 milliards de dinars de fonds mal acquis, soit près de 4 milliards d’euros (le bugdet annuel de l’État est de 54 milliards de dinars. Au point que le Président tunisien qui n’arrive pas à boucler les fins de mois du pays compte tenu de son refus de négocier avec le FMI commence à taper du poing sur la table
« Depuis juillet 2021, note Michael Ayari expert de « Crisis Group », lorsque le président Kaïs Saïed a fait son coup de force en limogeant le premier ministre et en suspendant le parlement, la Tunisie a pris un nouveau tournant autocratique alors que la crise économique ne cesse de s’aggraver ». Le président de consolider son soutien public, réel au moment de son élection comme Président avec un score de presque 8O% des voix, par « une rhétorique nationaliste virulente », émaillé d’ »insinuations racistes » rejetant la responsabilité de la crise économique sur les migrants d’Afrique subsaharienne.
« Entre-temps, poursuit l’auteur du rapport de Crisis Group, le président tunisien a rejeté les conditions d’un prêt proposé par le Fonds monétaire international (FMI) visant à équilibrer le budget et à restaurer la confiance des investisseurs, en « poussant le pays au bord du défaut de paiement de sa dette extérieure ».
En d’autres termes, la Tunisie se trouve au bord de l’effondrement financier.
Des expédients démagogiques
« Faisons payer les riches! Et qui plus est corrompus ». Telle est le discours un brin démagogique que tient le pouvoir tunisien face à une banqueroute redoutée. L’excellent site français « Africa Intelligence » rappelle dans une livraison récente que plusieurs grandes fortunes tunisiennes négocient avec la Commission nationale de conciliation pénale (CNCP), dont le président Kaïs Saïed attendait beaucoup, et cela pour éviter des poursuites judiciaires qui sont brandies. « Lancée en novembre 2022, souligne Africa Intelligence, la CNCP a accéléré ses procédures ces dernières semaines, sous la pression du président Kaïs Saïed, engagé dans une course contre-la-montre. Le mandat des membres de la CNCP, déjà prolongé de six mois en mai, arrivera à son terme en novembre, avec des résultats pour l’heure insatisfaisants aux yeux de l’exécutif. »
La principale tête d’affiche de l’économie tunisienne à avoir négocié avec la CNCP n’est autre que Marouane Mabrouk, l’ex-gendre de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali (1987-2011), et président du groupe Mabrouk. Cet industriel, rejeton d’une grande famille respectée, a toujours été considéré comme le grand patron le plus proche des intérêts français. Au point que, lors de l’effondrement de la dictature, il fut un des rares proches du clan de Ben Ali, qui échappa à toute poursuite grace à ses appuis de l’autre coté de la Méditerranée. « La CNCP, rappelle Africa Intelligence, a réclamé à Marouane Mabrouk près de 3 milliards de dinars pour solder l’affaire de l’acquisition de la filiale tunisienne d’Orange.
Marouan Mabrouk dans le collimateur
Face à « l’offre » de la CNCP, Marouane Mabrouk a émis une contre-proposition en s’engageant à reverser une partie de ses bénéfices pendant plusieurs années, soit des centaines de millions de dinars. Sa suggestion a, à son tour, été refusée et son interdiction de sortie du territoire tunisien a été prolongée de six mois qui touche plusieurs hommes d’affaires et responsables politiques.
L’homme d’affaires a de nouveau été interrogé fin septembre par le pôle anti-corruption, avant d’écoper d’un mandat de dépôt. Ainsi va la Tunisie de Kaïs Saïed, passé maitre dans l’art de désigner des boucs émissaires, qu’il s’agisse des migrants sub sahariens ou des hommes d’affaires comblés par la fortune.