Tahar Ibtatene, héros oublié de la Libération de Paris

Le parcours de Tahar Ibtatene fut exceptionnel, de son engagement au sein de la Résistance française dès les toutes premières heures de 1940 jusqu’à son choix de se battre pour l’indépendance algérienne dès le début de la guerre en 1954. Ce héros ignoré fut en effet à la manœuvre lors de la libération de Paris qui a débuté le 19 août 1944, voici quatre vingt ans. Six jours plus tard, la ville-Lumière fut libérée de quatre années d’occupation par la Division Leclerc.

Lyazid BENHAMI, auteur de « Tahar Ibtatene dit Tintin, héros de la Résistance et la Guerre d’Algérie » »

Henri Lafont, le chef de la Gestapo française, condamné à mort à la libération

Hitler avait donné l’ordre à ses généraux de détruire Paris, notamment ses monuments et ses ponts. « Paris ne doit pas tomber entre les mains de l’ennemi, ou alors que ce soit un champ de ruines », assène Hitler à Dietrich von Choltitz, général d’infanterie et gouverneur militaire allemand de Paris en août 1944.Les Allemands pensaient ralentir partiellement les Alliés qui venaient de l’Ouest. Les américains comprirent le piège tendu, ils avaient souhaité contourner Paris. Mais c’était sans compter sur la persuasion de Gaulle qui voulait que Paris soit libérée en priorité et par les forces françaises. Grace à la Résistance intérieure à Paris, les Alliés ont déjoué la stratégie allemande qui était de faire de Paris un deuxième Stalingrad, un bourbier à l’Ouest qui empêcherait ainsi l’avancée des Alliés vers l’Est. Mais ces derniers ont compris très vite et se sont dirigés aussitôt Paris libérée vers l’Est et les régions de la Ruhr, où sont situées les principales industries lourdes du IIIe Reich.

Fort de ses 16000 à 20000 soldats, le général Dietrich von Choltitz comprit rapidement que la bataille de Paris serait difficile et très certainement perdue face à la résistance française, et à l’insurrection des parisiens. Il ne mettra donc pas à exécution les ordres du Führer. Selon certains historiens, en désobéissant à Hitler, il choisit de négocier sa reddition et sa captivité par la suite.

Né le 27 février 1924 à Ain-El –Hammam, l’ex Michelet et décédé à Paris en février 2000, Tahar Ibtatene est un de ces héros restés dans l’ombre qui participe alors à la libération de Paris.  Dans sa Kabylie natale, le jeune Taharavait suivi les cours des Pères Blancs, avant de poursuivre son instruction à Saint-Ouen, dans la région parisienne. Réformé dans l’armée en 1939, mais curieusement dès 1940, on le retrouve dans les Services secrets français, en rejoignant les Résistants des premiers instants, comme lui, ils refusèrent la capitulation de la France en choisissant le chemin du combat pour la Liberté face à l’occupant nazi.
Anticipant l’arrivées des Alliés, les ouvriers parisiens ont d’abord commencé par faire des grèves, les cheminots le 10 août, puis les ouvriers du métro parisien et les gendarmes le 13 août ; ensuite la police le 15 août, suivie le 16 août par les postiers. La grève générale éclate le 18 août. Le 19 août 1944, le drapeau tricolore est hissé à la Préfecture de Police de Paris. Les policiers sont enfin enrôlés dans la Résistance en rejoignant les Forces Françaises de l’Intérieur, les FFI, qui organisèrent dès le début l’insurrection nationale et la riposte à l’occupant allemand.

Entré dans la Résistance dès les premiers moments de la Guerre en 1940, au sein des services secrets rattachés à Londres, il mena des actions militaires et de renseignements de haute importance à Marseille, Toulouse, Lyon, Bordeaux, et notamment en zone occupée à Paris et sa région. L’agent 99-497, ou Tintin – son pseudonyme dans la Résistance –  fut ensuite incorporé au sein du Bureau Central du Renseignement et Action, le fameux BCRA, en octobre 1943. Il a été sollicité pour rejoindre le célèbre réseau de la Résistance, le Réseau « Marco Polo » en qualité d’officier. Il a été contacté par ce réseau pour constituer des équipes de protection et de répression, dont il devient le responsable. A la Libération, il sera attaché de mission à l’Etat-Major de la Direction Générales des Etudes et Recherches, les Services secrets de la France Libre.

 « Pendant les journées d’insurrection nationale, cet agent a participé à des expéditions dans un corps franc des F.F.I du 9ème arrondissement, sous les ordres du Capitaine Remy. A la suite de ces expéditions, ces corps francs ont ramené environ 400 colts, 30 mitrailleuses, 10 fusils mitrailleurs, et 10 caisses de munitions, qui avaient été pris aux allemands. Ces expéditions ont eu lieu les 17, 18, et 19 aout ».

Les archives du Service Historique de la Défense et de la Résistance

La difficulté principale du moment pour les résistants parisiens était le manque d’armes. En sa qualité d’agent permanent du BCRA, « Tintin » connaissait tous les recoins de Paris. Cet agent gaulliste fut traqué par les milices dirigées par Henri Lafont, le chef de la Gestapo française, la fameuse « carlingue »), qu’il surveillait de très près depuis 1942. 

Pendant la Libération, Tintin dirigeait une équipe FFI. Sur l’ampliation de la citation à l’ordre du régiment et confortant la croix de guerre 1939/1945 avec étoile de bronze, nous lisons entre autres, et à nouveau « Pendant l’Insurrection nationale, a pris aux allemands deux camions d’armes qui ont servi à armer le 9e Tr ».

A l’occasion du 80ème anniversaire de la libération de Paris, il est inconcevable d’oublier ceux qui ont permis cet événement de l’histoire contemporaine française. Tahar Ibtatene était parmi ces héros, aujourd’hui oublié par l’histoire et par le récit national. Il a pourtant tout donné, tout sacrifié et pris les risques les plus dangereux pour que nous soyons aujourd’hui libres, pour que Paris soit libérée par les siens, les Parisiens.                             

A quand la reconnaissance par Paris de Tahar Ibtatene, de ce gaulliste de la première heure, de ce jeune algérien originaire de la Kabylie rebelle, venu à Paris au début du siècle dernier pour s’émanciper et construire une vie extraordinaire. Depuis Paris, il a consacré la majeure partie de sa vie à la liberté, à celle de la France, et plus tard à celle son pays natal, l’Algérie.